Dans la dernière année, 12 carcasses de bélugas à la dérive ou sur les berges du Saint-Laurent ont été récupérées par le Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins (RQUMM). À titre de comparaison, 19 carcasses avaient été retrouvées en 2021, 14 en 2020, 17 en 2019 et 12 en 2018.
Ce qui inquiète dans ce bilan, c’est le nombre élevé de femelles et de nouveau-nés dénombrés, un phénomène qui s’observe depuis une dizaine d’années. L’une des carcasses était dans un état de décomposition trop avancé pour que le sexe et l’âge puisse être déterminés, mais pour les autres individus, il a été possible de confirmer qu’il s’agissait de sept femelles et quatre mâles. Parmi ceux-ci, quatre étaient des nouveau-nés, une valeur légèrement sous la moyenne (6,3) des 13 dernières années selon le Réseau canadien pour la santé de la faune.
Des résultats attendus
Six des 12 carcasses de bélugas ont été transportées et nécropsiées par l’équipe de la faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal. Jusqu’à présent, deux rapports de nécropsies préliminaires ont été livrés.
Pour un mâle adulte, retrouvé le 5 juin aux Escoumins, d’autres tests seront malheureusement nécessaires afin de confirmer la cause de la mort, car aucune anomalie n’a été détectée sur la carcasse de l’animal. En revanche, le deuxième rapport amène des nouvelles inquiétantes : les vétérinaires ont noté une déchirure au niveau de l’utérus de la femelle, récupérée le 16 mai à Tadoussac. Qui plus est, cette femelle était gestante et son fœtus était presque à terme.
« Les problèmes de dystocies semblent toujours être d’actualité », mentionne Stéphane Lair, professeur titulaire à la faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal. L’hypothèse émise est qu’effectivement, une dystocie, soit une complication lors de la mise-bas, aurait causé la mort de cette femelle et de son fœtus. Chez le béluga du Saint-Laurent, ces dystocies sont courantes depuis quelques années.
Présence de navires, contaminants dans l’eau, variation de l’abondance de proies et changements climatiques, les facteurs qui affectent le béluga sont nombreux. Toutefois, difficile de nommer avec certitude les causes de cette hausse de mortalité de femelles et de nouveau-nés, car bien que plusieurs stresseurs affectent le béluga, on ne connait pas encore la contribution de chacun, explique Robert Michaud, directeur scientifique du Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins et coordonnateur du RQUMM.
La carcasse d’une autre femelle en fin de gestation a aussi été acheminée à la faculté de médecine vétérinaire, mais les résultats sont toujours attendus.
Une première carcasse pour 2023
Le 26 mars dernier, une carcasse de béluga a été retrouvée sur une plage de Saint-Fabien, dans le Bas-Saint-Laurent. La jeune femelle, encore de couleur grise, portait des lésions importantes sur la partie antérieure de son abdomen. Des échantillons ont été prélevés par une équipe mobile du RQUMM et la carcasse a ensuite été transportée à la faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal pour une nécropsie. Les causes de la mort de l’individu seront connues ultérieurement.
Cette première carcasse de l’année 2023 a été récupérée dans le cadre du programme de récupération des carcasses de bélugas.
40 ans de dévouement pour une espèce menacée
Cette année marque la 40e saison du programme de récupération de carcasses de bélugas. Amorcé officiellement en 1983, ce programme a permis la mise en place de nombreux projets de recherche dans le but de comprendre l’évolution de la population de bélugas du Saint-Laurent.
« Quarante ans de travail, de veille, de soucis et d’émotions intenses pour une espèce magnifique », se remémore Pierre Béland, l’un des instigateurs de ce grand projet de récupération. « Plus de 600 carcasses répertoriées, des milliers d’analyses chimiques, 300 nécropsies. Rapidement, les champs d’intérêts se sont multipliés pour étudier la population vivante, sa génétique, son comportement, sa vie sociale et ses habitats essentiels. »
Grâce à ce programme de récupération de carcasses, des changements ont déjà été apportés pour la protection du béluga, qui est en voie de disparition. « Nos travaux sur les bélugas ont été un des moteurs de la poursuite des efforts de décontamination », explique Pierre Béland en faisant référence à l’épisode des retardateurs de flammes (les PBDE) omniprésents dans le Saint-Laurent dans les années 1990. Avec la recherche sur les bélugas qui se poursuit sans relâche, les autres stresseurs qui affectent cette espèce menacée pourront éventuellement être identifiés.
Aujourd’hui, ce sont des bénévoles et des équipes mobiles du RQUMM qui sont en charge de la récupération des carcasses de bélugas. Pour tout mammifère marin échoué ou à la dérive, contactez le RQUMM au 1-877-722-5346.