Des chercheurs européens les ont trouvés même dans les plus grandes profondeurs, près ou loin des côtes. Le plastique est majoritaire et sa densité serait plus importante sur le fond qu’en surface. Ces débris générés par les activités humaines menacent la faune marine et la chaîne alimentaire.

Les nappes de débris, flottant à la surface ou entre deux eaux, dans presque tous les océans et mers du monde sont documentées. Certaines couvrent d’ailleurs de si grandes superficies qu’elles sont appelées « continents ». Par contre, la pollution des fonds marins sur une grande échelle, et surtout dans les grandes profondeurs, est peu étudiée en raison des importants moyens financiers et techniques à mettre en œuvre.

Partout où ils ont cherché

Une étude internationale, menée par 15 organismes de recherche européens et coordonnée par l’Université des Açores, s’est penchée sur les écosystèmes des profondeurs de l’Atlantique, de l’Arctique (du plateau continental européen à la dorsale médio-atlantique) et de la Méditerranée. Les scientifiques ont recueilli, entre 1999 et 2011, des données en effectuant 588 relevés d’images (photographies et vidéos) et prélèvements sur 32 sites se trouvant à des profondeurs variant entre 35 m et 4500 m. Leur étude a été publiée dans la revue PLoSone le 30 avril 2014.

Ces chercheurs ont trouvé des déchets liés aux activités humaines sur tous ces sites, qu’ils soient près des côtes et des zones fortement peuplées ou à 2 000 km au large. Ce sont les déchets plastiques qui sont trouvés en majorité sur le fond (41 %). Les lignes et les filets de pêche, dans une proportion de 34 % des déchets, s’éparpillent surtout sur la dorsale de l’Atlantique qui constitue une chaîne de montagnes sous-marines. Le reste des objets sont en fer, métal, bois, papier et carton, des vêtements, poteries et autres débris non identifiés. Les plus fortes densités de déchets ont été localisées près des canyons sous-marins profonds.

Leurres, pièges et contamination

Pour les auteurs de l’étude, cette pollution affecte significativement les écosystèmes marins. Les débris de plastique menacent la plupart des animaux (tortues, poissons) qui les ingèrent, les prenant pour de la nourriture. Les filets constituent des pièges pour les poissons et les mammifères marins, phénomène qu’ils qualifient de « pêche fantôme ». Contrairement à une croyance commune, les auteurs précisent que 70 % des macrodéchets plastiques ne se contentent pas de flotter et de se faire transporter sur des longues distances, mais sombrent vers le fond. Ainsi, ils estiment que leur densité est bien plus importante sur le fond qu’en surface. Dans les microplastiques se fixent une large variété de polluants organiques persistants (POP) qui s’accumulent dans la chaîne alimentaire.

En dehors de cette étude, des cas de mortalités de baleines dues à l’ingestion de kilos de plastiques ont été documentés ces dernières années. Dans leur estomac ont été retrouvés, entres autres morceaux, des cordes, bâches, pots de fleurs. De la surface vers les profondeurs, l’odyssée des plastiques peut-être très longue dans la colonne d’eau. Ces plastiques peuvent être ingérés de manière accidentelle ou opportuniste par les mammifères marins lorsqu’ils capturent leurs proies.

Cette pollution invisible, qui existe dans le monde entier, est encore mal connue en ce qui concerne ses densités, distributions et impacts sur les écosystèmes et leurs habitats. Pour les auteurs de l’étude, il est urgent de la documenter à grande échelle et d’en standardiser les méthodes d’investigation, afin de mieux mesurer ses impacts et de prendre les actions nécessaires pour réduire l’accumulation des déchets dans les profondeurs.

Sources

Pour en savoir plus:

Pacific Ocean Floor Is A Huge Underwater Garbage Dump

Actualité - 23/5/2014

Christine Gilliet

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