Aujourd’hui, 21 juin 2023, c’est la Journée nationale des peuples autochtones. Je tiens à le souligner, puisque je naviguerai sur le territoire non cédé des peuples Wolastoqiyik, Mi’kmaq et Innu, qui y ont acquis de précieuses connaissances bien avant nous. Je me sens privilégiée de participer à un suivi de phoques à bord du Ciktek, le nouveau navire de la Première Nation Wolastoqiyik Wahsipekuk. Ce bateau, conçu pour la pêche aux homards, est entre autres devenu une plateforme scientifique pour le projet de suivi de phoques de l’estuaire moyen et de l’estuaire maritime. Cet été, l’équipe effectuera 5 trajets à différentes reprises, dans le but d’évaluer la faisabilité du suivi de l’abondance et de la répartition du phoque commun et du phoque gris dans l’estuaire.
Par Corinne Trubiano, Technicienne en gestion des ressources au parc marin du Saguenay-Saint-Laurent
L’arrivée au port de Gros-Cacouna est matinale. Le quai accueille des navires internationaux, donc on contrôle mon identité. Je rejoins l’équipage du Ciktek et hop, j’embarque dans leur camion. Le départ se fait en deux temps. Premièrement, nous débarquons tout le matériel dans une chaloupe pour ensuite nous diriger vers le Ciktek, qui est à l’ancre un peu plus loin dans la baie. Puis, nous hissons tout le matériel sur le pont et c’est l’heure de démarrer!
Aujourd’hui, nous faisons le trajet qui part de Cacouna vers l’estuaire maritime. L’objectif est de longer les iles du secteur, qui sont réputées pour leur diversité faunique et qui constituent des échoueries de prédilection pour les phoques. Les phoques se regroupent, se reposent et muent en ces lieux.
Première destination : l’île Verte. Tout l’équipage est prêt, armé de ses feuilles de notes, jumelles, GPS et appareils photo. Nous commençons par la pointe ouest de l’île et nous longeons la portion nord. Déjà, nous observons une quinzaine de phoques échoués! Ce sont tous des phoques communs. La journée s’annonce prometteuse! Mon collègue et moi observons les phoques aux jumelles, tandis qu’un autre photographie tant bien que mal les individus. Il faut avoir les yeux bien aiguisés pour distinguer ces mammifères grisâtres sur les rochers. La collaboration de l’équipage accroît grandement l’efficacité du suivi! Le capitaine du Ciktek adapte sa navigation à l’approche d’échoueries potentielles, en gardant une distance qui permet de bien les compter sans les déranger.
Le patron de coloration du phoque commun est extrêmement variable, la face dorsale pouvant aller du gris clair au brun, et parfois même au rouge. Les photographies recueillies nous aident à valider notre identification d’espèce. Le mouvement du bateau et la distance par rapport à la berge complexifient nos observations. De plus, contrairement aux autres espèces de phoques, les phoques communs ne se regroupent pas durant la saison des naissances, c’est-à-dire de la fin du printemps jusqu’au début de l’été. Puis, les phoques gris peuvent se mêler parmi les phoques communs, ce qui ajoute une couche de complexité. Il faut donc être alerte et valider nos observations avec nos photos lors de la saisie des données.
Arrivé.e.s à la pointe est de l’île Verte, nous observons encore une fois une vingtaine de phoques qui se reposent au soleil. Nous sommes en fin de saison de mise bas et nous avons la chance d’apercevoir un chiot avec sa mère. Cap vers l’est, nous croisons en chemin l’île aux Pommes, puis observons une trentaine de phoques échoués et à l’eau. Nous arrivons à notre point le plus à l’est, c’est-à-dire Les Razades, deux petites iles qui, tout comme l’île aux Basques, constituent de véritables refuges pour une grande diversité d’oiseaux.
La diversité des iles dans cette portion de l’estuaire maritime est très impressionnante! À l’aide du courant, nous remontons vers l’île Rouge. En route, nous croyons apercevoir des phoques échoués au loin sur un affleurement rocheux. Nous dévions de notre trajectoire afin d’aller y jeter un coup d’œil. Fausse alerte! Il ne s’agissait que d’un amas de roches. Nous reprenons la barre vers l’île Rouge et cette fois, nos yeux ne nous ont pas joué des tours, nous observons bel et bien une vingtaine de phoques, les derniers de la journée.
Avec un soleil constant et une température clémente, nous rentrons à quai satisfait.e.s de notre journée. Il nous aura fallu environ 4 heures pour boucler le trajet et nous avons observé 172 phoques, un vrai record pour l’équipe! Nous rentrons au port de Gros-Cacouna imprégné.e.s du fleuve et du caractère puissant du territoire qui nous entoure. Comme toujours, nous regagnons la berge avec le visage un peu rougi, car les phoques nous font souvent oublier la crème solaire!
Par Corinne Trubiano, Technicienne en gestion des ressources au parc marin du Saguenay-Saint-Laurent