Les globicéphales noirs attendent-ils impatiemment le printemps pour venir à la rencontre du cétologue amateur René Roy ? Une chose est sure : ces mystérieux cétacés semblent toujours au rendez-vous lorsque le navigateur commence ses sorties dans l’estuaire à la fin du mois de mai. Ils étaient une douzaine à croiser la route de René Roy, ce jeudi 19 mai, entre Matane et Pointe-des-Monts.

«J’ai d’abord croisé trois gros mâles, puis quelques milles plus loin, un groupe d’une grosse dizaine, avec des femelles et probablement au moins un juvénile», raconte-t-il. «C’est étonnant ! C’est maintenant devenu une tradition pour moi de rencontrer des globicéphales noirs en mai dans l’estuaire du Saint-Laurent, et celle-ci a lieu exactement à la même date qu’il y a deux ans! C’est ma quatrième observation de cette espèce, et toujours à cette période. Chose bizarre, je ne les ai jamais observés le reste de la saison.»

Dos de globicéphales devant les monts Chic-Chocs © René Roy
dorsales de globicéphales
Nageoires dorsales de globicéphales noirs © René Roy
globicéphale
Melon et dorsale d'un globicéphale © René Roy
caudale de globicéphale
Nageoire caudale de globicéphale noir © René Roy
queues de globi devant les chic choc
Globicéphales devant les monts Chic-Chocs © René Roy

Le globicéphale noir de l’Atlantique est un visiteur ponctuel de l’estuaire, pourtant, les observations restent rares… et précieuses pour la recherche! Ces cétacés sociaux, plutôt habitués du golfe, viennent-ils chercher une nourriture particulière en cette saison? S’agit-il toujours des mêmes groupes d’individus, étant donné que ces animaux vivent en communauté familiales? Pour en savoir plus, René Roy a transmis ses observations à l’équipe du Cape Breton Pilot Whale Project, qui mène des projets de recherche et tient un catalogue de photo-identification de l’espèce.

Si vous croisez un globicéphale, vous le repérerez aisément. Ce gros cétacé à dents d’environ 4 à 5 mètres de long et de couleur ébène possède un melon proéminent sur la tête. Sa nageoire dorsale est plus large que haute et proche de la tête, tandis que ses pectorales sont recourbées en forme de faucilles. Son souffle est peu visible et son déplacement par petits bonds rappelle le mouvement natatoire du marsouin commun.

Petits rorquals en vue!

Au cours de cette première sortie aux portes de l’estuaire laurentien, René Roy a également noté la présence de phoques, de nombreux oiseaux marins, et de plusieurs petits rorquals, notamment au bout de la Pointe-des-Monts.

Cette semaine encore, les petits rorquals sont signalés partout le long des côtes, et nous font réviser la géographie québécoise. Le plus petit représentant de la famille des rorquals est ainsi observé aux Bergeronnes, à Essipit, juste devant Franquelin, au large de Port-Cartier, dans la baie de Sept-Îles, dans l’archipel de Mingan et dans les eaux bordant les iles de la Madeleine.

Mardi 24 mai, deux employés de la marina de Cap-à-l’Aigle voient eux aussi passer un petit dos gris ardoise à la nageoire dorsale recourbée. «Ça faisait une couple d’année que je n’avais pas vu un petit rorqual par ici », souligne l’un d’eux. Une riveraine nous signale aussi la possible présence d’un individu de cette espèce devant Saint-Irénée, mais la vidéo ne permet pas d’établir clairement l’espèce observée. Sur les images, par contre, on distingue clairement une nuée de petits dos blancs reflétant la lumière du soleil : des bélugas! Plusieurs habitants de Saint-Joseph-de-la-Rive disent aussi voir des bélugas dans le passage de l’ile aux Coudres, un phénomène habituel au printemps.

Du côté de l’archipel de Mingan, une ornithologue passionnée nous rapporte les mammifères marins qu’elle observe, lorsque son regard n’est pas absorbé par les eiders à duvet, les guillemots ou les mouettes tridactyles : « Lors d’une escale au nord de Grande Île, nous voyons 8 phoques communs. Lorsque le bateau passe au sud-ouest de Calculot [des Betchouanes], nous rencontrons 25 phoques communs et 1 phoque gris. Nous naviguons lentement; ils sont curieux et suivent le bateau. Escale au nord de l’ile du Havre où un petit rorqual montre son dos à la pointe nord-ouest. »

 

Dans le parc marin, les baleines sont déjà là

Les premières croisières aux baleines ont débuté dans le parc marin du Saguenay – Saint-Laurent. Les capitaines rapportent déjà la présence, au large, de nombreux petits rorquals, de rorquals communs, de rorquals à bosse, ainsi que de grandes nuées de phoques du Groenland. Des groupes de bélugas sont aussi aperçus ponctuellement.

Au moins six rorquals à bosse sont déjà descendus dans l’estuaire pour s’alimenter. On les observe parfois seuls, parfois regroupés. Une première paire mère-veau est aussi arrivée. Plusieurs fois observée devant le quai des pilotes, aux Escoumins, la nouvelle maman a été identifiée par une naturaliste : il s’agirait d’une baleine numérotée H694 au catalogue des rorquals à bosse tenu par le MICS. Les autres individus connus et identifiés récemment sont H590 dite « Piranha », H887 et H947.

Depuis la rive, le spectacle va bon train

Pas besoin de prendre la mer pour assister à des spectacles extraordinaires. Samedi, en fin de journée, un petit rorqual à bosse vient jouer au milieu des bouées, dans la baie de Tadoussac. Musiciens et spectateurs interrompent le concert donné dans un bar pour observer la baleine, qui plonge alors en levant bien haut sa nageoire caudale. Des employés du traversier auraient également vu cet individu remonter l’embouchure du Saguenay jusqu’au cap à la Boule, ce qui est rare, mais pas inhabituel.

Outre cette incursion, le fjord est encore peu fréquenté par les cétacés en cette saison, mais à l’Anse-de-Roche, un petit phoque commun a montré sa tête à un groupe de kayakistes, dimanche.

Les observateurs postés aux dunes de Tadoussac ont pu voir plonger deux rorquals à bosse, jeudi dernier. Depuis la rive, au cap de Bon-Désir aux Bergeronnes, un photographe patient a vu rorquals à bosse, petits rorquals et phoques du Groenland. Aux Escoumins, à la hauteur de la pointe au Père-André, un riverain note le passage d’un rorqual commun, d’un petit rorqual et d’un gros groupe de bélugas. Enfin, depuis les rochers d’Essipit, une observatrice se régale devant les manœuvres d’alimentation d’un rorqual à bosse gourmand sur fond de ciel rose.

Observations de la semaine - 26/5/2022

Laure Marandet

Laure Marandet est rédactrice pour le GREMM depuis l'hiver 2020. Persuadée que la conservation des espèces passe par une meilleure connaissance du grand public, elle pratique avec passion la vulgarisation scientifique depuis plus de 15 ans. Ses armes: une double formation de biologiste et de journaliste, une insatiable curiosité, un amour d'enfant pour le monde animal, et la patience nécessaire pour ciseler des textes à la fois clairs et précis.

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