Avec le dépôt du projet de loi 49, le gouvernement québécois chemine vers une gestion conjointe des hydrocarbures avec le gouvernement fédéral et la levée du moratoire. Avec son adoption, les activités d’exploration pourraient démarrer. Une situation dénoncée par les défenseurs de l’environnement alors que l’évaluation environnementale stratégique n’est pas terminée.
Le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles et ministre responsable du Plan Nord, Pierre Arcand, a déposé le projet de loi 49 à l’Assemblée nationale le 11 juin dernier: c’est une étape qui conduira vers l’adoption de «lois miroirs» par le gouvernement fédéral du Canada et le gouvernement provincial du Québec pour la mise en place de la gestion conjointe des hydrocarbures dans le golfe du Saint-Laurent. Le 18 juin, le gouvernement fédéral a annoncé de son côté qu’il adoptait ce nouveau cadre législatif et réglementaire. Ces actions sont la suite logique d’un accord signé en mars 2011 entre les deux paliers de gouvernement.
La loi 49 prévoit deux phases d’application. La première phase transitoire permettra le déploiement d’activités d’exploration dans le golfe. La seconde phase, prévue deux ans plus tard, sera mise en œuvre par des «lois miroirs» et la création d’un office conjoint et indépendant pour assurer la gestion des hydrocarbures dans le golfe, si un gisement d’hydrocarbures exploitable était découvert. Le projet de loi 49 prévoit que le Québec sera le seul bénéficiaire des redevances tirées de l’exploitation de ces hydrocarbures.
Plus de garanties et un moratoire étendu
La Coalition Saint-Laurent dénonce dans un communiqué «cette nouvelle étape vers la transformation du Québec en État Pétrolier […], voici que l’on cherche maintenant à faire sauter les derniers obstacles aux forages en mer dans le golfe». Elle déplore aussi l’empressement du ministre à déposer ce projet de loi prématuré alors que l’évaluation environnementale stratégique 2 (EES 2) sur la filière des hydrocarbures au Québec n’est pas terminée et ne rendra ses recommandations qu’à la fin de 2015. Christian Simard, directeur général de Nature Québec, considère que le Québec va jusqu’à abdiquer ses responsabilités environnementales: «En fait, les évaluations environnementales vont être encadrées par la loi canadienne sur l’évaluation environnementale, déplore-t-il. La loi québécoise est actuellement muette sur les opérations en mer, et la loi canadienne sur l’évaluation environnementale a été charcutée en 2012 par la loi mammouth.»
Les défenseurs de l’environnement dénoncent la limite d’un milliard de dollars fixée pour la responsabilité financière des compagnies pétrolières en cas de déversement, instaurée dans un des articles de la loi 49. Il est également prévu que les ministres peuvent, par arrêté, approuver un montant inférieur à cette limite de responsabilité à toute compagnie qui demande ou est titulaire d’une autorisation d’activité. Ils appuient leur argument sur le fait que la Norvège, le Danemark et l’Islande n’imposent aucun plafond à cette responsabilité financière.
Depuis que les gouvernements successifs du Québec souhaitent implanter cette nouvelle industrie dans le golfe, la Coalition Saint-Laurent réclame que le moratoire instauré dans la portion québécoise soit étendu à tout le golfe du Saint-Laurent. «Le golfe du Saint-Laurent est un écosystème unique, d’une grande fragilité, partagé par cinq provinces côtières. Toute décision unilatérale d’une province de forer dans le golfe peut avoir des répercussions négatives sur toutes ses voisines. Au lieu de paver la voie à l’exploration pétrolière, le Québec devrait assumer un leadership dans le golfe et travailler de concert avec les autres provinces côtières à la mise en place d’un moratoire général sur les activités pétrolières dans l’ensemble du golfe ainsi qu’à la tenue d’un vaste examen public», déclare Sylvain Archambault, porte-parole de la Coalition Saint-Laurent.
Combler les lacunes des connaissances sur les impacts d’un déversement
Seulement une étude environnementale a été livrée pour le golfe, par la compagnie pétrolière Corridor Resources pour l’obtention de permis d’exploration dans la structure géologique Old Harry qui se trouve à 80 km des îles de la Madeleine, à cheval sur la frontière maritime entre le Québec et Terre-Neuve-et-Labrador. Les scénarios de dispersion et d’impacts d’une nappe de pétrole avaient été jugés très optimistes et vivement critiqués, notamment par des scientifiques de l’Institut des sciences de la mer (ISMER) rattaché à l’Université du Québec à Rimouski (UQAR).
Une équipe d’océanographes de l’ISMER est d’ailleurs actuellement à bord du navire de recherche Le Coriolis II dans le golfe du Saint-Laurent pour mener une mission sur la dispersion de pétrole, au moyen de bouées dérivantes. Le suivi de ces bouées leur permettra de voir comment le pétrole pourrait se disperser au gré des courants et quels pourraient en être les impacts sur l’écosystème.
Il est à rappeler qu’en amont du golfe du Saint-Laurent, dans l’estuaire maritime, le gouvernement québécois a instauré en 2011 l’interdiction d’implanter des activités pétrolières. Il avait considéré, à la suite de l’évaluation environnementale stratégique 1 (EES1), que le milieu complexe et fragile ne pouvait être exposé aux menaces générées par l’exploitation des hydrocarbures. Cette interdiction est toujours en vigueur.
Sources
Sur le site du gouvernement du Québec:
Sur le site de l’Assemblée nationale du Québec:
Sur le site de la Coalition Saint-Laurent:
Sur le site de l’AMSÉE:
Pour en savoir plus
Sur le site du Devoir:
Vers une ouverture du golfe aux pétrolières
Sur le site de La Presse:
Old Harry: des océanographes étudieront l’impact d’un déversement
Un déversement à Old Harry menacerait tout l’est du golfe
Sur le site de Notre golfe:
Sur le site de Baleines en direct:
L’exploration et l’exploitation des hydrocarbures en milieu marin