Au large de Maui, Hawaii, un capitaine de croisière d’observation des baleines observe trois rorquals à bosse. Selon lui, il observe une femelle rorqual à bosse accompagnée de deux mâles présumés le 3 février. Il plonge sous l’eau une caméra sous-marine. Avec une immense surprise, il découvre que de la fente génitale de la femelle émerge une toute petite queue. Elle est en train de mettre bas! Cette vidéo est la première qui montre une partie d’une mise bas de rorqual à bosse. Plus encore, il s’agit d’un rare moment documenté dans la nature.

Pendant une heure, le capitaine filme sous l’eau, le bateau immobile, moteur éteint. Le baleineau ne semble pas sortir. Les baleines vocalisent, on peut les entendre durant la vidéo. Elles tournent autour du Zodiac. Une des escortes, le surnom donné aux baleines accompagnant une femelle durant la saison de la reproduction, fait régulièrement des filets de bulles.

Après le départ du bateau d’excursion, un bateau de recherche de la National Oceanic and Atmospheric Agency (NOAA) suit la femelle une heure de plus, avant qu’elle ne disparaisse dans une mer houleuse. Depuis, la femelle n’a pas été revue. On ne sait donc pas si elle est parvenue avec succès à mettre bas.

Grâce aux images sous-marines de sa nageoire caudale, la femelle a pu être identifiée au catalogue de recherche du Russian Cetacean Habitat Project comme 10RUCO715. Elle a déjà été photographiée au large du Kamtchatka, en Russie, en 2010. Si elle est revue à nouveau dans les eaux états-uniennes cet hiver ou durant l’été dans les eaux russes, elle pourrait être reconnue et nous saurons alors si elle a réussi à mettre bas et si le baleineau a réussi à survivre.

Combien de temps dure une mise bas?

Ça, c’est une bonne question! Le processus de la naissance chez les baleines dans la nature est très peu documenté. La majorité des connaissances sur les naissances proviennent des observations de cas en captivité. Les nouveau-nés naitraient le plus souvent queue première. Cela limiterait les risques de noyade en retardant au maximum la sortie de l’évent. Toutefois, des mises bas en captivité présentaient des baleineaux tête première.

Sous la garde d’humains en aquarium, les accouchements de bélugas peuvent prendre jusqu’à sept heures trente, mais avec une très grande variabilité de durée. Pour les épaulards, la mise bas, entre les premières contractions et l’expulsion complète du baleineau, peut prendre jusqu’à douze heures. Est-ce comparable pour les rorquals à bosse, dans la nature? Difficile à dire.

Une seule autre mise bas de rorqual à bosse a été documentée, selon nos recherches. Cette fois, elle se trouvait du côté de Madagascar, en 2013. L’équipe a pu suivre la femelle à partir de 9h26. La femelle se trouvait en présence d’escortes mâles. À ce moment, les chercheurs ne savaient pas qu’une naissance allait avoir lieu. Un rond de sang d’environ 10 mètres de diamètre est apparu en surface à 10h16 et à 10h23, un veau est apparu au milieu du cercle. La première respiration a eu lieu deux minutes plus tard et la femelle est apparue à la surface à 10h27. Les premières images sous-marines ont été prises après 10h30, ce qui ne permet pas de comparer avec la situation documentée à Hawaii.

En 2019, des chercheurs d’Hawaii ont filmé les premières minutes de vie d’un rorqual à bosse après avoir été alertés par une compagnie de croisières aux baleines. Le capitaine avait observé des remous impressionnants, puis du sang apparaitre à la surface. Lorsque les chercheurs ont pu faire voler un drone et filmer les animaux, le baleineau nageait aux côtés de sa mère et encore un peu de sang sortait de la fente génitale de la femelle. La présence de plis fœtaux démontrait que la naissance était très récente. Ces rares images documentent le début de vie d’un rorqual à bosse.

Les comportements de la femelle avant, pendant et tout juste après la mise bas sont encore très peu connus. Le rôle des rorquals à bosse l’escortant l’est tout autant. Il est donc encore plus difficile de détecter à quoi ressemble une naissance en surface. La nature a encore bien des secrets à nous livrer!

Actualité - 6/2/2020

Marie-Ève Muller

Marie-Ève Muller s’occupe des communications du GREMM depuis 2017 et est porte-parole du Réseau québécois d'urgences pour les mammifères marins (RQUMM). Comme rédactrice en chef de Baleines en direct, elle dévore les recherches et s’abreuve aux récits des scientifiques, des observateurs et observatrices. Issue du milieu de la littérature et du journalisme, Marie-Ève cherche à mettre en mots et en images la fragile réalité des cétacés.

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