On a rapporté le 26 mai dernier une carcasse de béluga échouée aux Bergeronnes qui a été transportée à la Faculté de médecine vétérinaire (FMV) de l’Université de Montréal à
Saint-Hyacinthe. Les observations et données sommaires récoltées lors de la récupération de la carcasse rapportaient qu’il s’agissait d’un mâle de 4,45 m. Le 27 mai, ce béluga adulte faisait l’objet d’une nécropsie complète réalisée par le vétérinaire André Dallaire et son équipe de la FMV.
L’animal de 0,88 tonne avait sur le flanc droit deux longues cicatrices linéaires laissées par d’anciennes plaies presque guéries. Ces plaies, qui auraient pu être causées par une hélice de bateau, ont été associées à des poches d’infection localisées profondément dans le gras. L’une des poches traversait la paroi thoracique, ce qui a conduit à la colonisation de la cage thoracique par les bactéries provoquant une pleurésie (inflammation de la muqueuse de la cavité thoracique). Cette lésion a été associée à la présence d’une grande quantité de liquide (environ 50 L) et à des tissus inflammés à l’intérieur de la cavité thoracique. Il est généralement difficile de confirmer avec certitude la cause de mortalité chez les bélugas, mais dans ce cas-ci, la lésion était suffisamment significative pour affirmer que la pleurésie a causé la mort de ce béluga.
Un hermaphrodite!
Un autre résultat intéressant a été obtenu lors de la nécropsie de ce béluga que l’on croyait être un mâle: il avait aussi un système reproducteur femelle. Bien que cette baleine avait les organes reproducteurs externes d’un mâle (testicules et pénis), des ovaires et un utérus étaient également présents dans la région pelvienne; c’est ce que l’on appelle un hermaphrodite. Deux canaux, chaque canal sortant de chaque corne utérine, ont pu être suivis jusque dans la région du pénis, où leur ouverture était reliée à l’urètre masculin menant à la vessie. L’appareil génital féminin ne semblait pas fonctionnel, mais le tissu ovarien sera examiné de plus près au microscope.
L’hermaphrodisme est une condition très rare chez les mammifères domestiques et sauvages. Ces anomalies de l’appareil reproducteur sont complexes et nécessitent l’analyse de trois composantes pour une meilleure compréhension : la structure des chromosomes, le type de tissu présent dans les gonades (testicules et ovaries) et le type d’organes génitaux externes. À ce jour, seulement six cas d’hermaphrodisme auraient été constatés chez les mammifères marins. Trois de ces cas signalés se présentaient chez des bélugas du Saint-Laurent. De ces trois cas, deux étaient des hermaphrodites «parfaits», soit avec le système reproducteur et les gonades des deux sexes. La cause de ces anomalies demeure incertaine. Cependant, le fait d’avoir observé trois cas d’hermaphrodisme dans la petite population de bélugas du Saint-Laurent est inhabituel et suggère que des facteurs potentiels prédisposent ces bélugas à cette condition. Même si cela demeure une hypothèse, le lien entre l’hermaphrodisme et l’exposition documentée des bélugas aux perturbateurs endocriniens devrait être investigué.