À l’âge de 11 ans, elle voulait déjà travailler auprès des cétacés. Des années plus tard, son rêve de petite fille s’est finalement réalisé. Assistante de recherche pour le Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM) depuis un an, Jade-Audrey nous raconte dans le cadre de la Journée internationale des femmes et des filles de science, le 11 février, son parcours et ses pensées sur la place des femmes en sciences.
Parle-nous un peu de ton parcours
J’ai débuté mes études post-secondaires en arts plastiques pour ensuite me lancer dans le domaine de la psychologie à l’université. Mais vers la fin de mon baccalauréat, j’ai commencé à remettre en question mon parcours. J’hésitais. J’avais consacré tellement de temps et d’énergie à la psychologie, est-ce que je voulais tout recommencer à zéro? Éventuellement, la réponse a été oui. Il y avait un rêve de petite fille que j’avais laissé de côté et c’est à ce moment-là que je me suis demandé si je pouvais l’explorer à nouveau – c’est pourquoi j’ai débuté un baccalauréat en sciences biologiques!
Comment as-tu vécu cette découverte du monde des mammifères marins?
La première fois que j’ai vu une baleine, j’avais 7 ans. C’était un béluga du Saint-Laurent. J’ai alors commencé à casser les oreilles de ma mère et de ma grand-mère : « les baleines, je voulais voir des baleines ». Et je voulais vivre à Tadoussac pour pouvoir avoir la chance d’en observer tous les jours. Quelques années plus tard, j’ai annoncé à ma mère que je voulais travailler auprès des cétacés pour les aider. Comment? Je ne le savais pas trop encore, parce que j’avais 10 ou 11 ans et les notions de conservation, je ne les connaissais pas vraiment.
Avant d’entreprendre mes études en biologie, je suis retournée à Tadoussac. Ça n’a pas pris longtemps avec d’être convaincue que je devais aller chercher mon baccalauréat en biologie pour pouvoir accomplir mon rêve et vivre de ma passion.
Parle-nous d’un souvenir lié à ton emploi au GREMM
C’était en octobre, tôt le matin. À la sortie de la baie de Tadoussac, on pouvait déjà voir les souffles. Il y avait les rorquals communs Ti-Croche, Zipper et Bp033 qui s’alimentaient ensemble. Il y avait aussi une dizaine de petits rorquals qui étaient un peu partout autour du bateau de recherche et des rorquals à bosse un peu plus loin. Les trois rorquals communs avaient plongé et on attendait qu’ils reviennent à la surface. Ils sont ressortis tellement près du bateau que ça m’a figé. Je me souviens de vivre l’excitation du moment, d’être énervée comme une petite fille qui voyait sa première baleine. En même temps je devais rester concentrée, parce que ma tâche à ce moment-là, c’était de les photographier! Encore aujourd’hui, j’ai de la misère à réaliser que j’ai vécu cette journée-là. J’ai compris à quel point j’étais chanceuse de faire le travail que je fais, et je peux enfin dire que j’ai réalisé mon rêve d’enfance!
Quels sont les défis auxquels tu es confrontée?
Je dirais être moi-même, parce que des fois je me mets beaucoup de pression. C’est ridicule, mais je vais parfois relire un courriel cinq fois avant de l’envoyer pour m’assurer que je ne vais pas sembler bête, trop directe ou froide. Des recherches ont démontré que les femmes se mettent une certaine pression à être parfaites. On veut faire notre place, mais en même temps, on ne veut pas trop prendre de place. Une étude avait même démontré que les femmes postulent pour un emploi quand elles ont environ 90-100% des compétences demandées, alors que pour les hommes ce taux est beaucoup plus bas. Des fois j’aimerais avoir cette confiance-là, écrire un courriel et m’en foutre d’avoir mis un emoji ou pas.
Vivre en région aussi ça amène un lot de défis, surtout l’hiver. Ici, l’hiver, il n’y a pas de baleines, donc mon cerveau il est comme « mais tu fais quoi ici, il n’y a pas de baleines ». C’est rempli de défis être passionné de quelque chose et ne pas pouvoir le faire complètement à l’année.
Comment vois-tu la place des femmes en sciences et comment les encourager à s’engager davantage dans le domaine scientifique?
La science nous amène à avoir une rigueur scientifique, suivre des protocoles précis, détaillés – comme suivre une recette – donc les qualités professionnelles nécessaires sont indépendantes du genre de la personne. Les femmes ont tout autant leur place que les hommes et vice versa.
Bien que le monde scientifique aujourd’hui soit encore principalement masculin, il n’est pas inatteignable pour les femmes. Il l’est même de moins en moins! Il reste encore du travail à faire par contre. C’est important de dire ce qu’on pense, de se soutenir, s’appuyer. Puis, tout le monde amène de la diversité, et les points forts de l’un viennent contrecarrer les points faibles de l’autre. En tant que femme, on amène aussi une diversité, parce que la science était un jour un domaine qui était typiquement masculin.
Si tu es une femme et que tu as une curiosité pour la recherche, que tu te poses des questions, que tu aimes jouer dans des bases de données, faire des analyses… tu as ta place en science! Je sais que ça peut être difficile d’aller dans un environnement typiquement masculin, parce qu’on a l’impression des fois qu’il faut qu’on prouve qu’on a notre place autant que les autres, mais en même temps, il ne faut pas laisser ces craintes-là nous arrêter. Ce n’est pas le fait qu’on soit des femmes qui dérange, c’est le fait que c’est un changement. Pour que la présence des femmes devienne la nouvelle routine, il faut qu’il y en ait de plus en plus. C’est pourquoi on a besoin de cette diversité, pour que ce domaine soit composé de plein de gens différents.