La question de la pertinence et de l’aspect éthique – ou non éthique! – entourant la réalité des établissements animaliers comme les zoos et les aquariums suscite la controverse. Le projet de loi Jane Goodall, déposé en 2020 puis réintroduit au Sénat canadien en 2022, tente de renforcer les réglementations quant à divers aspects du bien-être animal dans les zoos et les aquariums.

Jane Goodall : écologiste, scientifique, pacifiste

Jane Goodall, écologiste et anthropologue britannique, est reconnue internationalement en tant que spécialiste des chimpanzés. Elle a étudié pendant 60 ans les interactions sociales et familiales des chimpanzés sauvages. Au cours de sa longue carrière scientifique, la docteure Goodall nous a non seulement démontré l’urgence de protéger les chimpanzés de l’extinction, mais a également redéfini le concept de conservation des espèces pour y inclure les besoins des populations locales et de l’environnement. Fervente défenseuse du bien-être animal, elle milite – encore aujourd’hui à l’âge vénérable de 89 ans! – en faveur d’un meilleur traitement des animaux sauvages et en captivité.

Prioriser le bien-être animal

En outre, elle a déposé au Canada en 2020 un projet de loi portant son nom en partenariat avec le sénateur manitobain Anishnaabe Murray Sinclair : The Jane Goodall Act, ou la loi Jane Goodall. Plus récemment, le 22 mars 2022, la loi a été réintroduite par le sénateur Cree Marty Klyne au Sénat canadien. Le projet de loi propose de nouvelles protections juridiques concernant certaines espèces animales en captivité dans les zoos et les aquariums : les grands félins, les ours, les loups, les phoques, les otaries, les morses, certains singes, les éléphants et les reptiles dangereux, tels que les crocodiles et les pythons géants.

La loi propose l’arrêt du commerce, de l’élevage et de l’acquisition de ces espèces. C’est-à-dire qu’elle proscrirait la garde de certaines espèces dont le bien-être est grandement réduit en captivité. Cette garde serait destinée exclusivement à quelques « organismes animaliers » désignés par le gouvernement fédéral, auxquels seraient imposées les normes les plus strictes en matière de bien-être animal. Fait intéressant, ce n’est qu’en 2019 que le Canada a validé un projet de loi interdisant la garde en captivité des dauphins et des cétacés, leur bien-être pouvant difficilement être assuré en dehors de la nature.

Le Jane Goodall Act est l’une des législations les plus solides au monde en matière de protection des animaux. Elle est soutenue par une foule d’organismes de défense du droit animal, mais aussi par quelques établissements, dont le Biodôme de Montréal et le Zoo de Granby, qui ont entrepris d’améliorer leurs pratiques. Ces deux institutions ont d’ailleurs reçu l’accréditation AZA, ou Association of zoos and aquariums. 

Un autre facteur déterminant du soutien à la loi est la prise en compte et la reconnaissance par les autochtones du fait que les animaux et les humains, ainsi que l’environnement qui nous entoure, sont interconnectés. En effet, plutôt que de continuellement nous poser en spectateur face au monde, peut-être devrions-nous nous rappeler que nous sommes intimement liés aux autres espèces et qu’il est de notre devoir de les respecter et d’assumer nos responsabilités à leur égard.

Qu'est-ce que l'AZA?

C’est une organisation d’accréditation à but non lucratif qui couvre les principaux zoos et aquariums des États-Unis et douze autres pays. Elle exige que les institutions en faisant partie complètent avec succès un rigoureux processus d’accréditation tous les cinq ans. Cette opération laborieuse se déroule sur plus de six mois et consiste en un comité d’expert·e·s indépendant·e·s qui vérifie la conformité des normes imposées au niveau des soins aux animaux. Ces normes sont plus strictes que celles de l’AZAC, ou Aquariums et zoos accrédités du Canada, une organisation similaire opérant au Canada. À titre d’exemple, ce n’est qu’en 2021 que l’AZAC a interdit les promenades à dos d’éléphant, 10 ans après l’AZA! En plus, l’accréditation par l’AZA oblige à consacrer au moins 3 % du budget de l’établissement à la conservation en nature.

La loi de Jane Goodall planifie d’imposer à tous les zoos et aquariums les normes américaines de l’AZA. Elle sème ainsi la controverse dans l’univers des propriétaires d’établissements animaliers. Certains la promeuvent et y adhèrent, tandis que plusieurs craignent de devoir fermer leurs portes si la loi est adoptée. Ils devront effectivement adapter leurs installations aux nouvelles normes, une opération assurément très coûteuse. Un article publié dans Le Reflet explique que certains propriétaires de zoos estiment que le sénateur et sa loi ne s’en prennent pas aux bons joueurs.

Selon Jean-Pierre Ranger, propriétaire du Parc Safari, situé en Montérégie, il est pertinent de s’attaquer aux zoos de « bord de routes » en Ontario, par exemple, qui ne sont pas accrédités et qui ne respectent pas de normes strictes. Il croit toutefois que les parcs comme le sien, déjà accrédités par l’AZAC, ne devraient pas se voir imposer des normes encore plus rigides. Le projet en était à sa deuxième lecture au printemps dernier, mais depuis un an, silence radio du côté des médias de masse.

Comprendre pour prendre soin

En terminant, personne ne sait ce qu’il adviendra de ce projet de loi controversé, mais une chose est certaine : zoos et aquariums devront s’adapter rapidement aux préoccupations croissantes de la population, des scientifiques et des politiques envers le bien-être animal!

Only if we understand, can we care. Only if we care, will we help. Only if we help, we shall be saved.” – Jane Goodall

« Ce n’est qu’en essayant de comprendre que nous nous soucierons des autres [espèces]. Ce n’est que si nous nous soucions des autres que nous les aiderons. Ce n’est que si nous les aidons que nous serons tous sauvés ». – Jane Goodall

Actualité - 27/7/2023

Kiev Ashcroft-Gaudreault

Kiev Ashcroft-Gaudreault rejoint l’équipe du GREMM en 2023 en tant que rédactrice scientifique. Passionnée par une langue de Voltaire tout en subtilités, elle entame un baccalauréat en rédaction professionnelle pour finalement changer de cap vers un domaine qui l’anime encore plus : l’environnement! Elle souhaite mettre à profit l’alliance de ses deux formations pour prêter sa voix aux êtres qui n’en ont pas et espère faire naitre chez le public ce sentiment de poésie qui l'habite chaque fois que son regard survole le large.

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