L’arrivée du printemps est synonyme de plusieurs changements. Les jours rallongent, de nombreuses espèces de baleines reviennent dans l’estuaire du Saint-Laurent, et l’équipe de conservation de Parcs Canada au parc marin du Saguenay–Saint-Laurent commence une nouvelle saison de terrain!

Avec le début de la saison vient la première journée sur l’eau. Nous commençons notre journée en chargeant notre zodiac, l’Estran, avec notre équipement scientifique qui comprend notre appareil photo, des jumelles et une planche à pince munie de nos feuilles de terrain. Nous serons pendant plus de quatre heures à parcourir les rives du fjord du Saguenay. Cette fois, nous ne cherchons pas les bélugas, mais une autre espèce de mammifère marin qui réside dans le parc marin à l’année : le phoque commun.

Selon nos données d’inventaires de 2016 à 2020, on trouve en moyenne 69 individus de phoque commun dans le fjord avec une tendance à la hausse. L’abondance maximale annuelle des phoques et leur répartition sont parmi les indicateurs que nous utilisons pour définir l’état de santé du fjord du Saguenay. L’échantillonnage se réalise en collaboration avec la Sépaq depuis 2007. L’équipe de Parcs Canada couvre les rives nord et sud du fjord, de Tadoussac à L’Anse-Saint-Jean, et les garde-parcs de la Sépaq couvrent de L’Anse-Saint-Jean à Sainte-Rose-du-Nord.

Une fois le bateau chargé et les vérifications de sécurité complétées, nous sommes prêts à commencer notre journée sur l’eau. Je suis accompagnée de Simon, le capitaine, et de Sarah, une agente en gestion des ressources. En attendant le début du suivi, je commence à remplir les feuilles de données : date, heure de la marée basse et conditions météorologiques.

Je regarde l’heure sur ma montre : il est 12 h 26. La marée basse est à 14 h 29 aujourd’hui et nous devons commencer notre suivi deux heures avant la marée basse. Nous sommes pile à l’heure! La marée basse est un moment de repos important pour les phoques communs. Ils profitent du retrait des eaux pour venir s’échouer sur les rochers en bordure du Saguenay. C’est aussi la saison des naissances. Les femelles mettent au monde les jeunes et les allaitent sur le rivage.

C’est parti! Simon me fait signe que nous sommes au début du transect, c’est-à-dire le début de notre parcours tout au long duquel nous prendrons des données

Je porte une attention particulière aux roches aux formes bizarres pour m’assurer qu’il ne s’agit pas de phoques bien camouflés! Nous arrivons au cap de la Boule, une échouerie bien connue dans le fjord, et bien sûr, je vois des phoques se faire « dorer au soleil » ! Je demande à Simon de ralentir le bateau. Ma coéquipière, Sarah, commence à prendre des photos pendant que je compte le nombre d’individus. Les photos servent à valider nos décomptes plus tard au bureau, car il nous manque parfois des phoques bien cachés dans les creux des rochers! Je compte au total six individus, un dans l’eau et cinq sur les rochers. Nous notons également le nombre d’adultes et de chiots – le surnom des jeunes phoques. Je suis surprise de voir qu’il y a deux chiots parmi les adultes!

À cette période de l’année, il est facile de les distinguer des adultes, car ils sont beaucoup plus petits. Je note également l’heure et les coordonnées de l’observation. Une fois toutes les informations recueillies, nous continuons notre suivi. Les phoques communs sont facilement dérangés par la présence humaine, donc nous essayons de passer le moins de temps possible avec eux, de garder une bonne distance et d’éviter les changements de vitesse.

Quinze minutes plus tard, Sarah repère d’autres phoques sur le rivage. Nous ralentissons et recommençons la prise de notes et de photos. J’atteins un compte de quatre adultes quand Sarah attire mon attention sur quelque chose d’assez surprenant :  une femelle cache un nouveau-né derrière elle sur les rochers! Le chiot a probablement moins d’une heure de vie, car il est encore mouillé et on aperçoit des morceaux de placenta à côté. Nous terminons notre décompte rapidement et quittons immédiatement les lieux pour leur laisser toute la quiétude nécessaire à ces premiers moments d’existence.

16 h 34, notre suivi prend fin. Pour la journée, nous avons un total de 18 phoques communs. Ce chiffre n’est pas si élevé comparativement à celui d’autres journées. Peut-être que les phoques se trouvent plus en amont. J’écris aux membres de l’équipe de la Sépaq pour connaitre leur décompte du jour. Ils ont compté 150 individus! Cela fait donc un décompte total de 168 individus. Il s’agit du décompte le plus élevé de l’histoire de ce suivi.

Une journée record, quelle bonne façon de commencer sa saison de terrain! En espérant que cela soit de bon augure pour le reste de la saison.

Carnet de terrain - 28/6/2022

Eliza-Jane Morin

Eliza est titulaire d’un baccalauréat en biologie marine à Dalhousie University à Halifax et d’une maitrise en gestion des ressources naturelles à Akureyri University en Islande avec une spécialisation dans les ressources côtières et marines. Ses recherches à la maitrise ont porté sur les impacts des pratiques de récolte du duvet d’eider sur les sternes arctiques en Islande. Elle travaille dans le domaine de la conservation depuis 6 ans, particulièrement avec la faune aviaire et dans la conservation marine. Son travail l’a conduit de l’Amazonie péruvienne à l’Atlantique Nord-Est en Islande, mais aussi dans l’Ouest canadien et en Ontario. Elle a rejoint l’équipe de conservation de Parcs Canada au parc marin du Saguenay–Saint-Laurent en 2021. Elle participe notamment à la caractérisation des polluants dans l'habitat des bélugas, au suivi de la population de phoques communs dans le fjord du Saguenay et au suivi hivernal du garrot d’Islande dans l’estuaire du Saint-Laurent.

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