Avec l’augmentation du trafic maritime et du nombre de bateaux d’observation, ainsi que le nombre de carcasses de cétacés trouvées depuis deux ans, le sort de cette population, mal connue et peu étudiée, alerte les scientifiques. Sur le terrain, une biologiste agit pour que l’industrie d’observation soit réglementée et que la voie maritime soit déplacée.
En 2011, une vingtaine de carcasses de grands cétacés ont été trouvées autour de l’île de Sri Lanka, selon un chercheur du National Aquatic Resources Research and Development Agency à Colombo, sans toutefois pouvoir indiquer combien d’entre eux ont été victimes de collision avec des navires. Depuis le début de l’année 2012, la tendance semble se maintenir avec six mortalités, dont deux carcasses de rorquals bleus, l’une portant des marques de blessures causées par une hélice et l’autre trouvée sur le bulbe de l’étrave d’un navire. Selon l’estimation d’un spécialiste états-unien, John Calambokidis, le nombre de mortalités pourrait être de dix à vingt fois supérieur, étant donné que les carcasses de rorquals bleus coulent la plupart du temps.
Trop de navires et de touristes sur les sites d’alimentation des rorquals
De nombreux rorquals bleus migrent chaque année, de décembre à avril, entre le golfe du Bengale et la mer d’Oman, passant près du cap Dondra au sud de l’île. Cette population estimée à un millier d’individus, mal connue et très peu étudiée, aurait de plus en plus tendance à prolonger son séjour ou même rester à l’année dans ce secteur.
À une vingtaine de kilomètres de la pointe sud de l’île de Sri Lanka, le nombre des navires circulant dans la voie maritime, une des plus fréquentées au monde, est en très grande augmentation. Les rorquals bleus sont généralement observés en dehors du corridor de navigation commerciale, plus près du rivage, sur leurs sites d’alimentation. Mais les bateaux d’observation des baleines sont de plus en plus nombreux sur ces sites depuis la naissance de cette nouvelle industrie touristique en 2006 et les rorquals auraient tendance à se déplacer dans la voie maritime pour échapper au dérangement de ces bateaux de touristes. « A l´heure actuelle, les bateaux d´observation des baleines s´agglutinent de façon désordonnée autour des animaux », déclare Asha de Vos, biologiste sri-lankaise.
Réglementer l’industrie d’observation
Depuis la fin de la guerre civile et après le tsunami du 26 décembre 2004, le Sri Lanka a opté d’investir massivement dans le développement touristique, dont l’industrie d’observation des baleines est un des fers de lance. Mais cette industrie, encore non réglementée en termes d’approche des cétacés, soulève de fortes craintes, notamment pour Asha de Vos : « J´ai bien peur que les baleines soient tellement harcelées par les embarcations de touristes que leurs déplacements n´en pâtissent.
La chercheuse précise que des lois de certains pays interdisent de s’approcher trop près des cétacés, notamment aux États-Unis avec une distance de 90 mètres, et souhaite que le Sri Lanka adopte des mesures respectueuses des animaux.
À titre d’exemple, au Canada, dans le parc marin du Saguenay–Saint-Laurent au Québec, précisons que chaque bateau d’observation doit se tenir à une distance de 400 mètres d’un rorqual bleu, comme pour toute espèce en voie de disparition ou menacée; pour les autres espèces, la distance est de 200 mètres et dans certains cas de 100 mètres. Des conditions restrictives en matière de durée d’observation, de vitesse, du nombre d’embarcations et de manœuvres sont également appliquées.
Une biologiste soutenue par des universités étrangères
Asha de Vos vise également à persuader le gouvernement de déplacer la voie maritime plus vers le large pour minimiser les risques de collision avec les cétacés. Pour cela, elle mène depuis trois ans un programme de recherche à long terme sur les rorquals bleus pour mieux comprendre leurs comportements et leurs sites d’alimentation dans le secteur. En mars dernier, elle a reçu l’aide de chercheurs états-uniens, du Duke University Marine Lab de Beaufort en Caroline du Nord, pour récolter des données sur le terrain sur la densité et le mouvement du krill, la nourriture des rorquals.
Peu soutenue par les autorités locales, cette jeune chercheuse poursuit ses efforts malgré son isolement et son manque d’équipements et d’infrastructures, dans une société ne favorisant pas les femmes à s’investir dans de telles missions. L’University of Western Australia la soutient également financièrement dans la poursuite de son doctorat en océanographie.[MaxiSciences, New York Times, Globe and Mail]
En savior plus
Sur le site de MaxiSciences : Sri Lanka, les baleines menacées par le tourisme