Le 14 septembre 2023 restera une date gravée dans ma mémoire. Une journée étrange, irréelle.

Je vais tenter de la résumer avec des mots et avec mes photos. C’est une journée qui commence avec un vent du Sud-Ouest se levant doucement, mais sûrement. Tôt le matin, nous partons à la recherche des rorquals à bosse assez nombreux dans notre secteur (entre Tadoussac et Les Escoumins) ces derniers jours.

Nous repérons d’abord l’individu surnommé Titlo (H919), qui possède une dorsale en crochet et une caudale très foncée. Les vagues prennent de la hauteur, le Sud-Ouest augmente son emprise. Et alors, alors… Le spectacle commence. Titlo va effectuer un premier gigantesque saut dans les airs pour retomber avec force et fracas dans l’eau. Et ce n’est vraiment que le début. Cet individu va effectuer plus de 50 sauts dans les airs ou breachs, environ toutes les 30 secondes…

La vague monte encore avec des creux de plus d’un mètre et demi maintenant. Et alors nous nous rendons compte que tous les rorquals à bosse présents dans le secteur sautent dans les airs!

Les capitaines en parlent à la radio : entre Tadoussac et Les Escoumins, c’est la folie, toutes les baleines à bosse (plus d’une dizaine) sont en feu. Pas de groupes de rorquals à bosse, mais plutôt des individus isolés qui s’en donnent à cœur joie.

Et ils ne sautent pas qu’une fois! Chaque individu saute à répétition. Et ce sera ainsi toute la journée, il faut le souligner. En après-midi, nous atteignons des creux de trois mètres entre chaque vague, pas des vagues cassantes, mais plutôt des vagues lentes avec des creux impressionnants, dans lesquelles nous pouvons continuer de naviguer à vitesse réduite. Et nous voyons également sauter Queen, Tic Tac Toe, le baleineau de Tingley, et bien d’autres au loin.

Pourquoi cette folie pas juste passagère? Il nous semble évident que ces longues vagues en rouleaux sont la cause de cette frénésie inhabituelle et de longue durée. En effet, la houle sous-marine créée par le fort vent vient peut-être interférer dans la communication des rorquals à bosse. En sautant ainsi et en percutant avec fracas la surface de l’eau au moment de la retombée, les rorquals à bosse indiquent peut-être leur position respective.

Ce n’est qu’une hypothèse.

Le mystère reste entier et tant mieux…

Carnet de terrain - 11/10/2023

Renaud Pintiaux

Assistant de recherche au GREMM de 2003 à 2009 et de 2012 à 2014, Renaud Pintiaux est un observateur et un photographe passionné. Hiver comme été, de la rive ou en bateau, il saisit toutes les occasions de rencontrer les mammifères marins et les oiseaux du parc marin du Saguenay-Saint-Laurent.



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