Depuis quelques semaines, il semble qu’on ne peut pas sortir sur l’eau sans voir au moins une centaine de phoques gris! Quoique mon travail primaire consiste à photo-identifier les grands rorquals, je profite souvent de mes sorties sur le terrain pour capturer quelques belles images de la biodiversité du fleuve.
Nous retrouvant au centre d’un énorme troupeau de phoques gris en alimentation, j’ai rapidement sorti mon appareil photo pour tenter quelques clichés. J’ai focalisé sur un phoque particulièrement proche du bateau. En appuyant sur le bouton déclencheur, le « clic » habituel de l’appareil photo s’est fait entendre, et le phoque s’est vivement retourné dans ma direction. Pendant quelques instants, nous nous sommes fixés. Le moment n’a duré que quelques secondes, mais m’a semblé une éternité. J’étais transfixée par ces grands yeux intelligents, ces yeux qui semblaient témoigner d’une compréhension beaucoup plus accrue que je n’aurais cru possible.
Avec un grand soufflement des naseaux, le phoque s’est détourné et a replongé dans les eaux. J’étais sidérée. En biologie, il est important de ne pas prêter des traits humains aux animaux étudiés. C’est pourquoi on ne parle pas de joie, de tendresse ou de tristesse dans les journaux scientifiques. Pourtant, cette rencontre m’a laissée avec un profond doute. Peut-être faudrait-il reconsidérer, après tout ce temps, ce que l’on évalue être un trait « humain ».
Jaclyn Aubin s’est jointe à l’équipe du GREMM cette année, en tant qu’assistante de recherche bénévole. Elle détient un baccalauréat en biologie marine. Dans le cadre du programme de recensement photographique des grands rorquals du parc marin, elle recueille photos et données à bord des bateaux d’excursion. Elle partage aussi ces informations avec l’équipe de rédaction de Baleines en direct.