René Roy est un cétologue amateur, passionné de la mer et des baleines, résidant à Pointe-au-Père, dans le Bas-Saint-Laurent. Depuis plusieurs années, il entreprend des expéditions de photo-identification pour le compte de la Station de recherche des îles Mingan (MICS), principalement en Gaspésie. Il est également bénévole pour le Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins.

« Les journées sont courtes » et « le fond de l’air est frais », comme on dit dans le langage populaire, mais les baleines sont encore au rendez-vous, entre autres dans l’estuaire. Elles ne semblent pas pressées de le quitter. Moi non plus.

Cette semaine, j’ai profité d’une météo favorable pour sortir à deux reprises entre Forestville et Les Escoumins, en partant de la rive sud. Au total, j’ai parcouru 180 milles marins en 18 heures. J’ai croisé un grand nombre de marsouins communs. J’ai aussi rencontré une cinquantaine de dauphins à flancs blancs très actifs, en plein cœur de l’estuaire, soit entre l’île Bicquette et la Pointe-à-Boisvert. D’autres observateurs en mer m’ont dit avoir aperçu au moins deux cents de ces dauphins.

Un rorqual commun s’alimentait au large de Portneuf-sur-Mer en tournant à 180° lors de ses sorties, comme si une masse de nourriture très concentrée l’intéressait à un endroit spécifique. Il plongeait systématiquement au même endroit. J’ai aussi observé deux petits rorquals, l’un près de l’île Bicquette et l’autre, parmi la dizaine de cargos ancrés au large de Saint-Simon.

Ma plus belle rencontre a été sans contredit celle avec le rorqual bleu B398, à une quinzaine de milles au large de l’île Saint-Barnabé. J’avais observé et photographié cette baleine il y a plus de dix ans, soit le 28 août 2004, au large de Matane. À l’époque, Richard Sears, fondateur et chercheur à la Station de recherche des îles Mingan (MICS), était de passage sur le voilier Sedna IV pour un inventaire des rorquals bleu dans l’estuaire. Ce rorqual bleu n’avait pas été revu depuis. Vendredi dernier, cette baleine « flukeuse », signifiant qu’elle sort systématiquement la queue au moment de plonger, revenait à la surface aux 6 à 8 minutes, respirait 5 à 6 fois et plongeait à nouveau, le pédoncule et la queue bien hauts dans les airs. Je suis resté avec elle près d’une heure, entre 16 h et 17 h. Le soleil se couchait à 17 h 20 et le ciel était nuageux. Les photos sont donc de moindre qualité.

Cette baleine était calme jusqu’à l’arrivée de deux énormes cargos montant l’estuaire. Nous étions directement dans la voie maritime. Je suis demeuré le plus longtemps possible avec elle, m’éclipsant tout juste quelques secondes avant qu’un cargo ne me fonce quasi dessus. Ce géant de fer est passé directement sur le « pas » de la baleine, qu’elle a laissé après une plongée prématurée, ne terminant pas sa séquence respiratoire habituelle de cinq à six ventilations. J’étais très anxieux en attendant qu’elle refasse surface. Elle a finalement émergé dans le sillage du bateau. Son comportement avait changé après ce passage. Je ne l’ai plus revue sortir la queue en plongeant, jusqu’au moment où je l’ai quittée pour rentrer à Rimouski en pleine noirceur.

Carnet de terrain - 4/11/2014

René Roy

René Roy est un cétologue amateur, passionné de la mer et des baleines, résidant à Pointe-au-Père, dans le Bas-Saint-Laurent. Depuis plusieurs années, il entreprend des expéditions de photo-identification pour le compte de la Station de recherche des iles Mingan (MICS), principalement en Gaspésie. Il est également bénévole pour le Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins.

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