Par mer d’huile, regardez au loin à partir du centre d’interprétation et d’observation de Pointe-Noire, à Baie-Sainte-Catherine. Vous pourrez peut-être observer une alternance de longues bandes sur l’eau : certaines sont lisses alors que dans les autres, l’eau clapote. Comment expliquer ces zébrures? En juillet, dans le cadre de la mission SILLEX, Daniel Bourgault, l’océanographe-chercheur de l’Institut des sciences de la mer de Rimouski, a traversé l’estuaire à bord du navire de recherche Coriolis II. L’objectif: tenter d’éclaircir ce phénomène.

Baleines en direct (BED) : À quoi ressemble une mission océanographique comme SILLEX?

Daniel Bourgault : Nous sommes une équipe de chercheurs du Québec, de la France et des Pays-Bas et on pourrait dire que, durant la mission, nous sommes à la chasse aux vagues sous-marines. On essaie de les trouver sans les voir! Heureusement, les vagues sous-marines peuvent laisser des traces. Par temps calme, leur propagation change la rugosité à la surface. On aperçoit alors, comme à Pointe-Noire, un alignement de grandes bandes.

Dans la mission SILLEX, nous scrutons le fiord à la recherche des signatures de surface des vagues sous-marines. Une fois que nous les tenons, on plonge un poisson acoustique, un échosondeur, dans l’eau pour voir les vagues en temps réel. C’est comme faire une échographie du fiord : nous utilisons une technologie similaire à ce que fait un médecin pour montrer à une femme enceinte un aperçu de son enfant.

BED : Qu’est-ce que vous voyez dans votre échographie?

Daniel Bourgault : Ce qu’on voit à l’écran ressemble à des ondulations qui peuvent atteindre jusqu’à 50 mètres! Qu’elles soient à la surface ou dans l’eau, les vagues fonctionnent avec le même principe d’oscillation. Les vagues sous-marines, comme leurs consœurs, se trouvent prises en sandwich entre deux strates de densité différentes. En surface, les vagues déferlent entre l’air et l’eau tandis qu’en profondeur elles ont investi la pycnocline, la zone intermédiaire entre la couche d’eau douce à la surface et l’eau très salée au fond.

Les vagues sous-marines ondulent entre deux couches d’eau différentes : l’une composée d’eau plus chaude et peu salée à la surface (en rouge) et l’autre d’eau très salée et froide en profondeur (en bleu foncé). © Daniel Bourgault

BED: Pourquoi la mission SILLEX visite-t-elle le Saguenay?

Daniel Bourgault : Le Saguenay sert de laboratoire. Je sais qu’ici les montagnes sous-marines et les courants de marée sont deux éléments clés pour créer des vagues sous-marines. Je souhaite mieux comprendre comment les vagues se forment près de trois zones topographiques particulières : les trois seuils ou montagnes sous-marines du fiord. Lorsqu’un obstacle de ce type perturbe suffisamment l’écoulement du courant de marée,  on observe la création de vagues sous-marines.

BED : Quels sont les effets de ces vagues sur le Saguenay?

Daniel Bourgault : On a encore beaucoup à apprendre sur les effets des vagues sous-marines, mais on sait qu’elles changent la morphologie des fonds marins. Les vagues sous-marines peuvent aussi remettre en suspension des sédiments qui restent normalement dans le fond de l’eau. Ce phénomène crée un mélange des eaux du Saint-Laurent et du Saguenay et favorise l’enrichissement de l’eau en éléments nutritifs. Les vagues sous-marines pourraient donc contribuer aux conditions favorables au fourmillement de vie de la région du parc marin, que ce soit des bancs de krill ou des baleines!


Aurélie Lagueux-Beloin est stagiaire à la vulgarisation scientifique depuis 2018. Aimant autant faire de la science qu’en parler, elle complète sa maitrise en biologie à l’Université du Québec à Montréal ainsi qu’un certificat en journalisme à l’Université de Montréal. Aurélie est touche-à-tout et s’intéresse autant aux baleines qu’aux dinosaures en passant par les bancs de krill!
Actualité - 17/8/2018

Aurélie Lagueux-Beloin

Aurélie Lagueux-Beloin est rédactrice pour Baleines en direct depuis l’été 2018. Aimant autant faire de la science qu’en parler, elle complète sa maitrise en biologie à l’Université du Québec à Montréal ainsi qu’un certificat en journalisme à l’Université de Montréal. Sur les ondes de CISM 89,3 FM, elle coanime l’émission de vulgarisation scientifique Le Lab. Aurélie est touche-à-tout et s’intéresse autant aux baleines qu’aux dinosaures en passant par les bancs de krill!

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