Le rorqual commun n’est peut-être pas la plus grande des baleines, mais il est certainement parmi les plus rapides ! Cet avantage lui a longtemps permis d’échapper aux harpons des baleiniers, du moins jusqu’au 20e siècle où les équipements de chasse à la baleine se sont mécanisés. Ne pouvant plus distancer ses poursuivants, la population de rorquals communs a drastiquement chuté jusqu’à l’instauration d’un moratoire international. Selon Pêches et Océans Canada, de 1903 à 1945, pas moins 13 000 rorquals communs ont été tués dans les eaux du Canada atlantique.
Heureusement, la diminution du nombre de rorquals communs n’est pas irréversible. Les acteurs en conservation gardent donc la population mondiale de rorquals communs à l’œil : depuis trois générations, le nombre d’individus augmente ! Les plus récentes estimations de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) indiquent même un rétablissement de la population.
Cette augmentation du nombre de rorquals communs sur la planète modifie le statut de l’espèce. D’après la liste rouge de l’UICN, le rorqual commun est maintenant considéré comme « vulnérable », un statut moins inquiétant qu’auparavant. Au Canada, la situation de l’espèce du côté atlantique est toutefois toujours considérée comme préoccupante selon le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada et la Loi sur les espèces en péril.
« Si globalement, les conditions des rorquals communs se sont améliorées et ils deviennent de plus en plus nombreux, ce n’est pas le cas dans toutes les populations. Certaines sont encore à risque », précise Christian Ramp. « Particulièrement les rorquals en milieu côtier, comme ceux qui s’aventurent dans les eaux du Saint-Laurent, car ils doivent composer avec une présence humaine accrue comparativement à ceux qui restent au large. »
Portrait pour le Saint-Laurent
Des nombreux rorquals communs de l’Atlantique Nord, seulement quelques-uns visitent l’estuaire et le golfe du Saint-Laurent pour s’alimenter autour de mai à novembre. L’équipe de la Station de recherche des iles Mingan (MICS) estimait leur nombre à 328 entre 2004 et 2010. De 2010 à 2016, les relevés indiquent que la même population compterait moins de 300 individus.
La diminution d’observations de rorquals communs dans le Saint-Laurent s’accompagne aussi d’une diminution d’observation de paire mère-baleineaux. Christian Ramp, coordonnateur de recherche au MICS, note que : « Avant 2010, nous observions entre 5 et 20 baleineaux nageant avec leur mère chaque année. Malheureusement, depuis quelques années, nous n’en apercevons pas plus de deux par an. Il arrive même qu’il n’y en ait aucun ! » Le directeur scientifique du Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins, Robert Michaud, ajoute : «On ne sait pas si cette diminution suit une réduction dans la reproduction ou si elle suit un changement dans la distribution qui aurait amené un moins grand nombre de femelles à venir dans le Saint-Laurent avec leur baleineau.»
Des données manquantes
La baisse du nombre d’individus de rorquals communs dans le Saint-Laurent indique qu’il y a quelque chose qui cloche dans l’écosystème. « Malheureusement, nous ne sommes pas en mesure d’identifier la source du problème ni d’en déterminer l’étendue », se désole Christian Ramp.
À la différence des carcasses de baleines noires qui font les manchettes, celles de rorquals communs ne flottent pas nécessairement à la surface. Comme la plupart d’entre elles coulent, elles sont donc bien moins accessibles pour les chercheurs qui tentent de comprendre les causes du déclin de la population. Les mortalités des rorquals communs peuvent être dues à plusieurs facteurs, dont la pollution sonore, le développement industriel côtier ou encore les collisions avec les navires et l’empêtrement dans des engins de pêche.
Cette incertitude sur les menaces qui pèsent sur les rorquals communs se ressent aussi à l’UICN. Il manque encore des données pour confirmer le nombre estimé d’individus dans les océans et pouvoir, avec certitude, déclarer le rorqual commun hors danger.