Le temps maussade, la lourde brume, et les arbres dénudés de leurs couleurs nous plongent dans la fin de ce que fut un bel automne. Ajoutez à cela une carcasse gigantesque d’un rorqual commun bien connu, des échos sous-marins des bélugas, des baleines qui sont prises pour d’autres, et voilà que le Saint-Laurent se drape dans une ambiance mystique bien Halloweenesque.

Les monstres marins

Les profondeurs marines en terrifient plus d’un, et le peu que nous connaissons à leur sujet est pour le moins troublant. Cette peur provient surtout d’un manque d’information sur ce qui peuple nos mers. L’ignorance et l’inconnu ont certainement eu leur rôle pour entretenir ces peurs ancestrales.

À travers les époques, les baleines et les mystères qui les entourent encore de nos jours nous ont toujours fait ressentir de vives émotions. Elles ont inspiré nombre de légendes et de contes. On retrouve leurs traces jusque dans la mythologie grecque. Le terme cète, provient du grec ketos (κῆτος), un terme qui signifie « monstre marin ». On retrouve des représentations de ces monstres dans l’iconographie grecque, étrusque et crétoise datant de 600 à 480 av. J.-C., puis chez les Romains. Ce vase en terracotta en est l’une des représentations les plus anciennes.

 

Les baleines dans l'imaginaire collectif

Chez les Étrusques, le royaume des morts impliquait un voyage en mer. Les créatures marines, réelles ou imaginaires, étaient donc souvent associées à la mort. Les monstres marins, les cètes, y sont présentés de façon positive, comme les gardiens des morts, ou du moins, comme leurs moyens de transport.

Plus récemment, les baleiniers passaient leur temps libre à graver des scènes de leur vie en mer dans des dents de cachalots ou des os de baleines. On appelait cet art, le scrimshaw.

Le naturaliste suédois Carl von Linné a classifié la majorité des cétacés au courant du XIXème siècle, permettant de replacer ces animaux mythiques dans la classe des mammifères. Pourtant beaucoup de mystères planent encore sur les cétacés. Depuis 2002, quatre nouvelles baleines à bec ont été découvertes… et il en reste probablement d’autres.

Si vous voulez en apprendre plus sur la place des baleines dans la culture et l’imaginaire, écoutez ce balado!

Souffles et simulacres

Les rorquals communs se sont déversés en grande pompe dans le parc marin du Saguenay–Saint-Laurent. Un naturaliste et photographe animalier en rapporte cinq différents entre Les Bergeronnes et Tadoussac dont un mystérieux inconnu! Leurs souffles se mêlant aux embruns marins simulaient des spectres flottants au-dessus des eaux troubles.

Les fantômes du Saint-Laurent

Les murmures des bélugas aux petits souffles et aux cris stridents continuent de hanter le fjord du Saguenay et les côtes du fleuve. Un Nord-Côtier en a aperçu trois glissant dans les eaux à l’ouest de la Grande Île, en face de Kamouraska, et un groupe d’une dizaine sortant du Saguenay. À Sainte-Irénée, une Charlevoisienne nous partage sa charmante observation : « dimanche en fin d’après-midi, à la plus belle heure du jour quand le vent tombe, j’ai vu trois bélugas ! Peut-être était ce le même qui ressortait… mais je ne pense pas! »

En Gaspésie, les cétacés sont toujours en visite. Un habitué de la place nous rapporte avoir vu quatre rorquals à bosse et deux rorquals communs. Une Gaspésienne a observé des petits rorquals et des rorquals à bosse dans la baie de Gaspé : « On pouvait les voir, dos et queue et souffles au large et entendre souffler les petits rorquals qui étaient plus près de la rive. […] J’y suis retournée le dimanche et c’était le même spectacle avec cette fois seulement les petits rorquals. »

Friselis de phoques dans le golfe

Plusieurs phoques communs complètent ce tableau automnal : « Et il y a toujours les phoques communs qui se disputent la place sur les rochers de l’Anse aux Cousins. Je peux les entendre grogner en soirée lorsque je sors le chien ! Ça fait très Halloween ces sons rauques! » Effectivement, les phoques communs produisent toutes sortes de bruits — grognements, aboiements, ou encore des sons difficilement descriptibles!

Dans le coin de Sept-Îles, à Gallix, une observatrice assidue voit des phoques communs près de l’embouchure de la rivière Sainte-Marguerite: « Au moins six, trois plus près de la rivière et trois autres un peu plus au large, dont un, tout près qui s’est amusé à faire du «marsouinage» ! » À Mingan, une naturaliste observe toujours des phoques communs, se fondant dans le paysage rocailleux, en « banane » sur les rochers ou se cachant dans les eaux.

Des baleines costumées

Dans la région de Baie-Comeau, un passionné a vu une baleine déguisée. Du moins, un large souffle lui a fait croire qu’un rorqual à bosse était dans les parages. Finalement, c’était un petit rorqual au souffle bien visible pour une fois étant donné les températures plus fraîches. En plus d’une flopée de marsouins communs, il constate « une dizaine de petits rorquals entre Baie-Comeau et Franquelin qui sortaient de partout avec leurs dos qui brillaient au soleil. » Ces baleines dynamiques sont les maîtres des « déguisements ». On les confond souvent avec d’autres espèces; on prend leur caudale pour une nageoire dorsale d’épaulards, ou encore leur gros ventre blanc pour un immense béluga qui jaillit de l’eau!

Carcasse de géant

Pourtant, si les mythes appartiennent au passé, les eaux du Saint-Laurent, elles, continuent de nourrir leur part de mystères. Le rorqual commun Bp919, une femelle, a été retrouvé échoué sur la côte gaspésienne. Une équipe du RQUMM (Réseau Québécois d’Urgences pour les Mammifères Marins) est sur place pour récupérer la carcasse dans l’objectif de pouvoir effectuer une nécropsie, et ainsi tenter de déterminer la cause potentielle de la mort de cet animal de plus de vingt mètres de long.

Ainsi, entre brume, mythe et souffles scintillants, le Saint-Laurent nous rappelle que les créatures marines peuplent encore nos imaginaires et nos légendes, mais aussi qu’elles animent ses eaux d’une vie bouillonnante — véritable marmite marine!

En savoir plus

  • Creatures of the Deep. Erich Hoyt.

Où sont les baleines cette semaine? La carte des observations

Ces données ont été rapportées par notre réseau d’observatrices et observateurs. Elles donnent une idée de la présence des baleines et ne représentent pas du tout la répartition réelle des baleines dans le Saint-Laurent. À utiliser pour le plaisir!

Cliquez sur les icônes de baleine ou de phoque pour découvrir l’espèce, le nombre d’individus, des informations supplémentaires ou des photos de l’observation. Pour agrandir la carte, cliquez sur l’icône du coin supérieur droit.

La carte fonctionne bien sur Chrome et Firefox, mais pas aussi bien sur Safari. Pour faire apparaitre la liste des observations, cliquez sur l’icône du coin supérieur gauche.

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Merci aux collaborateurs et collaboratrices!

Merci aux observateurs et observatrices qui partagent avec nous leur amour pour les mammifères marins! Vos rencontres avec les cétacés et les pinnipèdes sont toujours un plaisir à lire et à découvrir.

Ce sont vos yeux, sur l’eau ou depuis la berge, qui permettent à cette rubrique de voir le jour.

  • Sylvie Carré
  • Marie-Andrée Charlebois
  • Alexandre Costa
  • Guylaine Côté
  • Laeticia Desbordes
  • Hélène Guitton
  • Jade-Audrey Lavergne
  • Mathieu Marzelière
  • Diane Ostiguy
  • Pascal Pitre
  • Renaud Pintiaux
  •  René Roy
  • Christine Stadelmann
  • Andréanne Sylvain
  • Guy Synnott
  • Emmanuelle Taillefer
  • Laurence Tremblay
  • Marielle Vanasse
  • Léa Vanbutsele

Et à tous les autres!

Merci aussi aux équipes qui partagent leurs observations :
Centre d’éducation et de recherche de Sept-Iles (CERSI)
Station de recherche des Îles Mingan (MICS)
Réseau d’observation des mammifères marins (ROMM)
Réseau québécois d’urgence pour les mammifères marins (RQUMM)
Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM)
Mériscope

Vous souhaitez vous aussi partager vos observations?

Vous avez observé des mammifères marins dans le fleuve Saint-Laurent? Qu’il s’agisse d’un souffle au large ou de quelques phoques, écrivez-nous et envoyez-nous vos photos à [email protected]!

Observations de la semaine - 30/10/2025

Thalia Cohen Bacry

Thalia Cohen Bacry est rédactrice scientifique pour le GREMM après avoir été naturaliste en 2023. Diplômée de UBC, elle a complété une maîtrise en études internationales à l’Université Laval et poursuit un apprentissage dans plusieurs domaines, dont la géographie, les sciences politiques et le comportement animal. Fascinée depuis toujours par la protection de l’environnement, elle a grandi en Savoie, entourée des lacs et des montagnes, avant d’immigrer au Canada et de découvrir des espaces encore plus grands et plus sauvages. Intrépide, curieuse, et persévérante elle aime apprendre, observer, et analyser afin de sensibiliser à la sauvegarde de nos océans et ainsi contribuer à leur protection.

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