La façon dont les baleines glissent dans l’eau peut nous indiquer si elles sont en bonne forme physique, dévoile une étude publiée dans PLoS ONE. De nombreuses baleines à fanons entreprennent des cycles annuels de jeûne et d’alimentation, entrainant des modifications substantielles de leur condition physique. Des chercheurs ont suivi 24 rorquals à bosse dans le golfe du Saint-Laurent et en Antarctique et ont mesuré l’accélération, la profondeur et la vitesse de leurs glissements afin d’évaluer leur état nutritionnel. Cette méthode d’estimation de la condition physique pourrait être largement applicable à toute une gamme d’animaux et d’environnements aquatiques.

« La condition physique peut signifier la santé générale, l’état nutritionnel, la charge parasitaire, les hormones de stress et beaucoup plus », explique Christian Ramp, chercheur à la Station de recherche des iles Mingan (MICS) et un des auteurs de l’étude. « Dans cette étude, nous nous sommes concentrés sur l’état nutritionnel, c’est-à-dire à quel point un animal est bien nourri. »

La condition physique des animaux influence leur taux de survie et leur succès reproducteur et peut donc avoir un impact sur la dynamique d’une population entière. Pour les espèces migratrices, le cout de la reproduction dans les aires d’hivernage est soutenu par l’énergie acquise dans les aires d’alimentation durant l’été. La quantité d’énergie stockée pendant une saison d’alimentation influence fortement la reproduction ultérieure, par le taux de gestation, le développement du fœtus, la condition physique et la survie de la progéniture, et les capacités compétitives des mâles.

Comment évaluer la condition physique d’une baleine?

Dans cette étude, les chercheurs ont testé sur le rorqual à bosse une méthode d’analyse hydrodynamique généralement appliquée aux animaux qui sont de bons plongeurs comme le cachalot, la baleine à bec commune et le globicéphale, qui effectuent régulièrement des plongées à plus de 200 m de profondeur. La densité corporelle est un indicateur indirect de leur réserve en graisse et de leur condition physique. Elle joue aussi un rôle sur la flottabilité de l’animal, qui influence à son tour le comportement de nage et les performances de glisse, ce qui a permis le développement de méthodes d’analyse hydrodynamique.

Le rorqual à bosse n’est toutefois pas un tel plongeur : il effectue des plongées relativement peu profondes. Néanmoins, les résultats de Christian Ramp et de son équipe démontrent que cette méthode peut être utilisée chez les rorquals à bosse, pour évaluer et suivre leur condition physique au fil du temps. Les chercheurs ont observé une diminution progressive de la densité corporelle (et donc une augmentation de la réserve de graisse) tout au long de la saison d’alimentation et un stockage de lipides relativement élevé chez les femelles gestantes.

Pour compléter le pédigrée de chaque individu de l’étude, l’équipe de recherche a pris des photos et des vidéos des animaux suivis afin de pouvoir mesurer leur tour de taille un autre indice pour savoir à quel point les animaux sont bien nourris. Des échantillons de graisse ont aussi été collectés et seront analysés pour examiner les lipides et les hormones présents. Ces trois méthodes — les données de glissement, les photos aériennes et les biopsies — seront utilisées pour évaluer la condition physique des animaux et pour se valider l’une l’autre.

Pour Christian Ramp, cette nouvelle méthode pourrait permettre d’en savoir plus sur l’état de santé des femelles rorquals à bosse : « Entre 2010 et 2016, nous avons observé très peu de veaux chez les rorquals à bosse et les rorquals communs et nous nous demandons si les femelles ne sont pas en “bon état” (c’est-à-dire si elles n’ont pas suffisamment de réserves de graisse) pour être en gestation et pour mener celle-ci à terme. »

« Être en mesure d’estimer la condition physique d’un individu augmenterait considérablement notre capacité à faire le suivi des animaux et des populations et, en cas de “mauvaise” santé, à mettre en place des mesures d’atténuation ou de conservation. Ces animaux qui se nourrissent au sommet de la chaine alimentaire sont des espèces sentinelles idéales pour l’ensemble de l’écosystème », poursuit-il.

Actualité - 15/8/2018

Béatrice Riché

Après plusieurs années à l’étranger, à travailler sur la conservation des ressources naturelles, les espèces en péril et les changements climatiques, Béatrice Riché est de retour sur les rives du Saint-Laurent, qu’elle arpente tous les jours. Rédactrice pour le GREMM de 2016 à 2018, elle écrit des histoires de baleines, inspirée par tout ce qui se passe ici et ailleurs.

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