On envisage d’ouvrir le Saint-Laurent à l’exploitation du pétrole et du gaz, dans les provinces de Terre-Neuve-et-Labrador et du Québec. Alors que les Etats-Unis sont encore sous le choc de leur pire marée noire, la précipitation des gouvernements et le manque de consultations publiques poussent beaucoup d’organisations à réclamer un moratoire multiprovincial. L’écosystème fragile du Saint-Laurent et son exploitation durable sont en jeu.
Old Harry dans l’habitat d’espèces en péril
Terre-Neuve-et-Labrador pourrait installer en 2011 une plate-forme de forage à 80 km des Iles de la Madeleine. Avec un potentiel de deux milliards de barils de pétrole ou jusqu’à cinq milliards de pieds cubes de gaz naturel, le site Old Harry se situe à cheval sur la frontière maritime entre le Québec et Terre-Neuve-et-Labrador. Corridor Resources, la compagnie albertaine détentrice des droits, a demandé un permis au Canada-Newfoundland and Labrador Offshore Petroleum Board (C-NLOPB) pour des travaux exploratoires cet automne. Elle utiliserait une technologie basée sur de puissantes ondes sonores. Or, une étude récente montre les impacts néfastes de ce type de sons sur les rorquals bleus, et Old Harry pourrait bien être dans le couloir de migration de cette espèce en voie de disparition. Avec moins de 250 individus matures, des impacts sur quelques animaux pourraient avoir des effets sur toute la population. Des regroupements de pêcheurs craignent également les effets sur la morue, le sébaste, le crabe et le homard.
Au Québec
Québec est décidé à développer les hydrocarbures de ses fonds marins dans le Saint-Laurent. Évacuant la question de l’acceptabilité de cette nouvelle industrie pour la société, il a enclenché en 2009 un processus d’Evaluation environnementale stratégique (EES) dont le mandat est de définir un cadre pour ces activités qu’il souhaite encourager dès 2012. Les consultations publiques sont limitées aux régions, le reste de la population étant invité à se prononcer via Internet. Un premier document de consultation devrait paraître cet automne et des consultations publiques sont prévues, mais le débat soulevé par les gaz de schiste pourrait faire en sorte que le gouvernement repousse l’exercice.
Des voix s’élèvent dans les provinces concernées
Ces dernières semaines, des groupes environnementaux, des citoyens, des associations de pêcheurs, des représentants autochtones et des élus du Québec et des Provinces atlantiques ont réclamé un moratoire sur l’exploration et l’exploitation du pétrole et du gaz dans le golfe du Saint-Laurent.
La Coalition Save Our Seas and Shores a adressé le 14 septembre une lettre aux ministres fédéraux de l’Environnement et des Pêches et Océans. Elle demande « un moratoire sur l’exploration et l’exploitation pétrolière et gazière dans le golfe du Saint-Laurent, pour aujourd’hui et pour demain. Les bénéfices engendrés par une ou deux décennies de revenus provenant de ces énergies non renouvelables ne pourront jamais justifier les risques démesurés encourus par les ressources renouvelables que fournit notre golfe depuis plus d’un siècle ». Entre autres, elle dénonce les frontières juridiques artificielles, traitant le Saint-Laurent en cinq masses d’eau distinctes et négligeant l’approche écosystémique. Elle réclame la séparation du double mandat contradictoire des offices pétroliers, en tant que promoteurs de l’extraction et protecteurs de l’environnement, tel que les Etats-Unis viennent de le faire après la catastrophe.
Des scientifiques soulignent les risques, comme les lacunes dans les connaissances et le manque de technologies, pour les ramener à des niveaux acceptables dans un milieu fragile. Tous font valoir que le golfe du Saint-Laurent est une petite mer intérieure, six fois plus petite que le golfe du Mexique et sujette à des courants marins complexes.[Save Our Seas and Shores Coalition]
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