Par Christine Gilliet

Foncer en roulant son corps pour ouvrir la bouche au meilleur endroit et engouffrer le plus important volume de krill, voilà la stratégie qui vient d’être découverte chez le plus grand des géants des mers. Une telle pirouette lui ouvre aussi un panorama pour que rien ne lui échappe. Cette efficacité satisferait ses besoins alimentaires du jour en une seule plongée.

Avec les révélations de l’étude menée par Jeremy Golbogen (Cascadia Research Collective) et son équipe, publiée en novembre 2012 dans Biology letters, on réalise que le plus gros animal ayant existé sur la Terre fait preuve d’une agilité et de capacités biomécaniques remarquables. Pourtant, le rorqual bleu (Balaenoptera musculus), mesurant de 20 à 25 m (jusqu’à 33 mètres en Antarctique) et pesant jusqu’à 120 tonnes, possède de petites nageoires pectorales, dorsale et caudale.

Capturer le plus gros volume de proies en une seule bouchée

Pour cet engouffreur de krill équipé de fanons, il s’agit donc d’être très efficace dans ses stratégies d’alimentation pour couvrir les besoins énergétiques de son corps si volumineux. Selon les chercheurs, cette manœuvre est destinée à anticiper sur la trajectoire du krill qui cherche à s’échapper, de manière à positionner les mâchoires exactement là où les proies seront au moment où le rorqual ouvre la bouche. Le rorqual bleu peut ainsi couvrir ses besoins énergétiques journaliers en une seule plongée d’alimentation, surtout quand le krill s’agrège en nuage particulièrement dense.

La manœuvre se réalise comme en deux temps de rotation: quand le rorqual effectue un mouvement de capture (lunge en anglais) vers l’essaim de krill, il pivote son corps et se retrouve sur le dos; il vient donc d’effectuer une rotation de 180°. De manière simultanée il ouvre la bouche et sa mâchoire inférieure se place au-dessus du krill. Après avoir engouffré un volume d’eau contenant les proies, il termine la manœuvre par une rotation de 180° et nage à nouveau sur le ventre.

Élargir son champ de vision

Pour mener leurs recherches sur la mécanique du mouvement des rorquals bleus pendant leurs manœuvres d’alimentation, les scientifiques ont posé une balise à ventouse sur le dos des 22 individus dans les eaux qui bordent le sud de la Californie, pendant l’été 2010. Ces balises (DTAGs en anglais, pour digital acoustic recording tag) sont équipées d’hydrophones et de capteurs enregistrant la pression, l’accélération et la magnétométrie (mesure du champ magnétique terrestre). Ainsi, les données récoltées ont permis de déterminer l’orientation du rorqual en mouvement, la profondeur, sa vitesse et ses changements de direction. Les baleines ont gardé en moyenne leur balise pendant six heures et 45 minutes. Des images vidéo, fournies par une caméra installée sur le dos de l’animal pendant le mois d’août 2008, ont complété les enregistrements.

Avec l’analyse de ces données, 44 manœuvres de retournement sur 360° ont été révélées, effectuées par 11 rorquals sur les 22 équipés de balise. Ces manœuvres ont été accomplies pendant les mouvements de capture, mais aussi pendant les phases ascendantes et descendantes des plongées d’alimentation. Ces données suggèrent que ce type de manœuvre permet d’avoir un champ de vision panoramique dans de multiples dimensions dans les zones de distribution de nourriture, les yeux des cétacés étant positionnés de chaque côté de la tête. Aucune de ces manœuvres n’a été détectée en dehors des périodes de chasse, c’est-à-dire quand les rorquals étaient en période de repos à la surface.

Des manœuvres d’alimentation similaires ont été documentées chez d’autres espèces de rorquals, notamment les rorquals communs et à bosse, mais la rotation est en général de 90° et n’excède pas 150°.

En savoir plus

Sur le site de Futura Sciences : En vidéo: une baleine bleue fait des pirouettes pour manger!

Actualité - 20/12/2012

Collaboration Spéciale

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