Depuis le mois de mai 2011, des milliers de rondelles de plastique ont été trouvées sur les plages par les riverains. Selon l´enquête menée par le MDDEP, ils seraient sortis des bassins de stations d´épuration d´eaux usées qui les utilisent pour décupler leur capacité de traitement. Ils sont recyclables, mais présentent un risque d´ingestion pour les cétacés et un potentiel de pollution chimique.
Ces rondelles de plastique, d´un diamètre de 24 mm et de 9 mm d´épaisseur, ont commencé à être découvertes par des promeneurs au mois de mai sur les deux rives du Saint-Laurent, dans la région de Québec, en Haute-Côte-Nord, en Côte-Nord et dans la baie des Chaleurs en Gaspésie. Ces riverains ont pu ramasser en un seul lieu 5, 10 ou parfois 200 de ces rondelles parmi les algues et les déchets rejetés par la mer et en ont effectué le signalement à la Garde côtière canadienne. Avec une densité de 0,96, ces rondelles flottent à la surface ou entre deux eaux. Elles sont appelées aussi des bio-disques ou, de manière officielle au Ministère du Développement durable, de l´Environnement et des Parcs (MDDEP), des réacteurs biologiques à support fluidisé (MBBR en anglais).
Des fixateurs de bactéries très coûteux
Le dossier d´enquête a été confié au MDDEP pour identifier ces objets flottants et savoir d´où ils pouvaient provenir. Au ministère, on explique que ces médias filtrants constituent un dispositif élaboré et utilisé en Europe du Nord depuis quelques années et sont donc bien connus là-bas.
Dans les bassins des eaux usées des usines de traitement, on ajoute ces médias filtrants afin que les bactéries se fixent sur eux, ce qui permet d´augmenter la capacité d´épurer les eaux des égouts. Selon les premiers résultats de l´enquête, ces médias filtrants se seraient déversés accidentellement dans le Saint-Laurent en sortant des bassins des stations de traitement. Plusieurs municipalités au Québec, sont en effet équipées d´un tel dispositif. Ce déversement aurait pu se produire pendant l´hiver dernier, lors de fortes pluies ou d´un mauvais fonctionnement des pompes.
Il n´est pas exclu que les médias filtrants puissent provenir de navires qui possèdent aussi ce système de traitement des eaux. Mais les navires n´ont pas avantage à les perdre, car ces médias filtrants sont très couteux, évalués à 5 000 $ le mètre cube, et se comptent par milliers de mètres cubes dans un système de traitement.
Un risque d´ingestion pour les cétacés
Comme tout objet ou débris de plastique, ces médias filtrants représentent un risque d´ingestion pour les animaux marins et les cétacés du Saint-Laurent qui pourrait occasionner des obstructions, des étouffements ou des lésions internes. Deux experts, non impliqués dans ce dossier d´enquête, mais interrogé par téléphone, nous livrent quelques explications. Catherine Couillard, chef de section en recherche écotoxicologique à l´Institut Maurice-Lamontagne (IML) de Pêches et Océans Canada, précise que « l´ingestion de plastique peut parfois mener à la mort des animaux ou à un dépérissement avec perte de condition et problèmes reproducteurs. Les morceaux de plastique sont des substrats qui augmentent le risque d´attachement et d´introduction d´espèces invasives qui peuvent entrer en compétition avec les espèces natives et perturber l´écosystème ».
Concernant le potentiel de risque d´une pollution chimique, le chercheur Michel Lebeuf de l´IML, expert en contaminants organiques persistants, explique que « certains plastiques contiennent des produits chimiques (incluant le bisphénol-A ou certains phtalates) susceptibles d´être toxiques. Par ailleurs, les plastiques en suspension dans l´eau peuvent concentrer certains produits chimiques toxiques (incluant les biphényles polychlorés, BPC) présents dans cette matrice. Pour évaluer les risques toxiques des pièces de plastique retrouvées sur les rives du Saint-Laurent, il faut obligatoirement en faire une caractérisation chimique par des techniques d´analyses spécialisées ».
Combien de médias filtrants ont été déversés dans le Saint-Laurent? L´enquête en cours ne permet pas encore de le dire, de même que l´infrastructure responsable n´est pas identifiée pour l´instant. Comme pour tout déversement dans le Saint-Laurent, le responsable devra prendre des mesures pour corriger la situation et récupérer les médias filtrants. Selon l´ampleur de la tâche, la population pourrait être sollicitée pour collecter les rondelles de plastique pour le recyclage. En attendant, les riverains peuvent très bien les mettre dans leur bac bleu, ou bac de recyclage.
En Europe, de tels déversements sont fréquents, et de grandes quantités de médias filtrants sont trouvées sur les rives d´Espagne, de France et d´Angleterre. Des organismes environnementaux invitent la population, par les médias et par voie d´affichage sur les sites, à les ramasser et à les recycler.[MDDEP, Surfrider Foundation]
Pour en savoir plus:
Sur le site de Surfrider Foundation : Médias filtrants, s´informer, témoigner