Face à la possibilité d’un retour des chalutiers dans le golfe du Saint-Laurent, les pêcheurs de turbot (nom commun du flétan du Groenland) demandent à nouveau à Pêches et Océans Canada de prolonger pour toujours le moratoire sur la pêche au chalut de poissons de fond. Depuis plus de 10 ans, l’utilisation des chaluts est restreinte dans le golfe du Saint-Laurent, sauf pour la crevette. Cette technique de pêche a des conséquences néfastes sur l’écosystème marin. Ce possible retour de la pêche au chalut soulève une vague d’inquiétudes auprès des pêcheurs et des organismes environnementaux, pour qui, la pérennité des stocks de poissons est l’enjeu crucial à considérer dans ce débat.

Les pêcheurs de turbot craignent que les chaluts causent des dommages irrémédiables aux populations de poissons de fond du golfe; leur gagne-pain. « Si les chaluts rentrent là-dedans, trois ans, pis c’est fini», déclare M. André Boucher de l’Office des pêcheurs de flétan du Groenland.

Plusieurs études, dont celle de l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO), démontrent que les prises accidentelles sont beaucoup plus importantes avec le chalut qu’avec d’autres types d’engins tel le filet maillant. Un bateau « chalutier », traîne un filet en forme d’entonnoir (le chalut ou «engin mobile») sur les fonds marins, ramassant tout sur son passage. Quand il est plein, les captures sont triées sur le pont. Les organismes « non désirables » sont par la suite rejetés à la mer, morts ou condamnés. De plus, cette méthode de pêche remet en suspension des sédiments, parfois toxiques, tout en détruisant les fonds marins et en raclant les algues et les coraux.

Chez Greenpeace, qui milite à l’échelle mondiale contre le chalutage de fond, l’heure est à la consternation. Beth Hunter, coordonnatrice de la campagne Océans, se dit déçue de voir que le Canada «s’apprête à revenir sur une bonne décision». «On revient toujours à la fragilité des stocks. Avec le chalut, il y a un fort taux de prises accessoires. Pourtant, déjà, des méthodes moins nocives pour les écosystèmes marins sont utilisées comme la méthode avec des « engins fixes ». Les filets sont alors déposés au fond de l’eau, puis remontés pour récupérer les poissons d’une taille suffisante pour être restés prisonniers entre les mailles.

L’autre côté de la médaille

Le débat comporte aussi des enjeux socio-économiques. Selon Réginal Cotton, pêcheur de morue et président de l’Association des capitaines propriétaires de la Gaspésie, la vingtaine de pêcheurs au chalut se sont entendus pour une rationalisation de leurs effectifs. Ils ne seraient donc plus qu’une dizaine, tout au plus, à posséder un permis et «peut-être trois ou quatre» à prendre la mer pour pêcher le turbot. « Oui, on détruit un peu de ressources, mais on a absolument besoin de ça pour continuer à vivre», dit-il. Depuis l’effondrement des stocks de morue, la vingtaine de pêcheurs ne disposent que de quelques petits quotas de crevette et de morue. La reprise de la pêche au flétan du Groenland avec chalut permettrait à ces pêcheurs d’augmenter leurs revenus, car ce poisson se vend deux fois plus cher que la crevette.

Selon Patrick Vincent, directeur régional de la gestion des pêches et de l’aquaculture pour Pêches et Océans Canada, la pêche au chalut « peut ne pas être si dommageable, si elle est bien faite » et si elle est circonscrite sur un territoire donné à un moment de l’année bien précis. Il précise également que les stocks de flétan se portent plutôt bien dans le Saint-Laurent.

La décision devra être prise dans les prochains mois par la ministre Gail Shea. Une décision qui devra garantir l’utilisation durable des ressources marines et de leurs habitats pour les générations actuelles et futures.

Actualité - 9/4/2009

Équipe du GREMM

Dirigée par Robert Michaud, directeur scientifique, l’équipe de recherche du Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM) étudie en mer les bélugas du Saint-Laurent et les grands rorquals (rorqual à bosse, rorqual bleu et rorqual commun). Le Bleuvet et le BpJAM quittent chaque matin le port de Tadoussac pour récolter de précieuses informations sur la vie des baleines de l’estuaire du Saint-Laurent.

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