Lors d’une entrevue avec Lena Measures, chercheuse à l’Institut Maurice-Lamontagne de Pêches et Océans Canada, Baleines en direct lui a posé la question suivante : Les humains peuvent-ils transmettre des maladies aux mammifères marins?
L. M. : Même si leur monde nous semble parfois lointain, nous pouvons avoir un impact sur la santé des mammifères marins. La pollution chimique, qui voyage à travers le réseau alimentaire, peut diminuer l’efficacité de leur système immunitaire. Ils deviennent alors plus susceptibles aux infections virales, bactériennes ou parasitaires, incluant les maladies respiratoires qui sont particulièrement néfastes pour les animaux qui plongent. Par exemple, les bélugas retrouvés sur les rives du Saint-Laurent sont infectés par le ver pulmonaire du parenchyme dans 90 % des cas examinés. Ce ver est la cause de la mort de 60 % des jeunes bélugas examinés, âgés de un à cinq ans.
En plus de la pollution chimique, l’être humain peut introduire accidentellement des agents pathogènes dans le milieu marin. Le ruissellement d’origine agricole et le déversement de déchets humains non-traités ou traités de façon inefficace peuvent introduire des agents pathogènes comme Giardia, Cryptosporidium ou Toxoplasma gondii dans les habitats des mammifères marins. D’autres agents pathogènes peuvent être transmis lors de l’introduction d’animaux exotiques ou de la réhabilitation de mammifères marins ayant vécu en captivité.
Pourquoi s’intéresser aux agents pathogènes introduits par l’être humain dans le milieu marin? Les mammifères marins ne sont normalement pas exposés à ces agents pathogènes, et l’infection de quelques animaux risquerait de dégénérer en une épidémie. Nos recherches visent donc à connaître les agents pathogènes infectant les mammifères marins, à identifier les sources d’agents pathogènes » étrangers » et à formuler des recommandations pour diminuer les risques d’éventuelles catastrophes. Dans le cas du béluga du Saint-Laurent, cette situation est particulièrement alarmante puisque cette petite population en danger de disparition a une faible diversité génétique, ce qui pourrait affecter sa capacité à s’adapter à de nouveaux agents pathogènes.