Je vous emmène vers le Vieux Continent, à la rencontre de chercheurs qui étudient un des cétacés les plus populaires au monde : le Tursiops truncatus, plus connu sous le nom de grand dauphin. Durant l’Antiquité, bien avant que la célèbre série télévisée Flipper popularise cet animal dans le monde entier, les Grecs faisaient déjà l’éloge de ce cétacé, allant jusqu’à associer le dauphin à certains dieux comme Apollon ou Dionysos.

C’est donc à quelques kilomètres de la cité phocéenne, fondée par les Grecs en -600 av. J.-C. que j’ai rendez-vous. Marseille est une ville reconnue pour sa célèbre boisson anisée et ses calanques, mais elle est aussi aux portes d’un grand sanctuaire maritime regroupant une grande diversité de cétacés : le sanctuaire Pelagos. Avec pas moins de 11 espèces de mammifères marins fréquentant ces 87 500 km², le sanctuaire Pelagos est le fruit d’un accord entre l’Italie, la France et la Principauté de Monaco. Il a vu le jour afin de protéger cet habitat unique et ses résidents de toutes formes de perturbation anthropique.

Non loin, basé le long de la Côte Bleue à quelques kilomètres du Vieux-Port de Marseille, le Groupe d’Étude des Cétacés de Méditerranée navigue sur ces eaux dans l’objectif d’étudier les cétacés. Cet organisme voué à l’étude des mammifères marins a réalisé depuis 2004 plusieurs projets d’études et de suivis dans les eaux allant de Port-Saint-Louis-du-Rhône à la frontière italienne, en passant par la Corse.

Le grand dauphin fréquente ce territoire. Ce membre de la famille des delphinidés peut mesurer jusqu’à 4 m pour un poids d’une moyenne de 400 kg à l’âge adulte. Présent tout autour du globe, cette espèce est familière aux eaux tempérées et tropicales ; la Méditerranée reçoit donc sa présence. Dans ce secteur, cette espèce est plutôt côtière et évolue la plupart du temps en groupe de 15 à 20 individus.

Aujourd’hui, le GECEM se penche principalement sur l’étude de ces tursiops de la Côte d’Azur. JulieJourdan, chargée de mission, a notamment recours à l’écoute acoustique passive. La technique consiste à déposer sur le sol marin un hydrophone permettant de guetter les dauphins durant une longue période de temps en vue de définir si le site est fréquenté et sur quelles périodes. Ces hydrophones possèdent assez de capacité de stockage et d’autonomie pour mettre un secteur prédéfini sous écoute pendant une année complète !

Julie et son équipe utilisent aussi une autre technique qui ne m’est pas inconnue. Comme le GREMM le fait auprès des bélugas et des grands rorquals, le GECEM pratique la photo-identification de grands dauphins. Cette technique a pour but de dresser un portrait de la population permettant notamment « d’établir un état des lieux de leur présence ».

Pour ce faire, l’équipe du GECEM organise des journées de terrain, avec un minimum de 3 observateurs en continu qui scrutent l’horizon à la recherche de leurs cibles. Une fois un groupe repéré, ils relèvent une série de données (GPS, météo, taille du groupe, comportements, etc.) préalablement définies par leur protocole de recherche et enfin décharge en direction de leurs cibles une précieuse série de photos.

De retour au laboratoire, Julie épluche chaque cliché à la recherche d’individus connus. Bien qu’elle soit experte pour matcherles tursiops, le travail demande du temps. Beaucoup de temps. Une fois les photos téléchargées, elle réalise une première sélection en divisant ces séries de photos en suivant quatre critères distinctifs : les animaux très marqués, marqués, peu marqués et pas marqués, permettant de faciliter le travail d’identification dans le catalogue.

Voilà donc pour vous la chance de prendre la place de Julie et de vous essayer à matcher un grand dauphin. Je vous présente notre invité mystère, que j’ai rencontré le 21 mars dernier à quelques centaines de mètres des îles du Frioul. Il est venu à notre rencontre avec trois de ces congénères.  Arriverez-vous à m’aider à relever son identité parmi les images ci-dessous ?

A) Individu TTGC331

B) Individu TTGC480

C) Individu CT04

D) Individu LGM13 @ GECEM

Notre mystérieux tursiops n’est autre que B) l’individu TTGC480, reconnaissable à la forme de sa nageoire dorsale et les marques sur son épiderme (regardez bien à l’avant de sa nageoire dorsale). Le GECEM a au fil des années bâti un catalogue de plus de 900 grands dauphins. Bien que la majorité des individus n’aient été capturés (pris en photo) qu’une seule fois, quelques centaines d’autres ont été capturés à plusieurs reprises, ce qui laisse penser que parmi ceux-ci, il y aurait des tursiops qui ne seraient que de passage tandis que d’autres seraient résidents.

Par le passé, le GECEM a étudié les dauphins de Risso, ces delphinidés sont reconnaissables à leur grande nageoire dorsale, mais surtout aux multiples marques qui recouvrent leur épiderme. Parmi cet extrait du catalogue qui compte plus de 600 individus, arriverez-vous à reconnaitre notre second dauphin mystère parmi les images ci-dessous ?

A) Individu CA13

B) Individu CA16

C) Individu GGGC175

D) Individu CRC08

La réponse pour le dauphin de Risso mystère, est B) l’individu CA16.

Finalement, si vous avez l’occasion d’aller explorer le sanctuaire Pelagos à la recherche de dauphins ou de cachalots, il existe un logo qui a la forme d’une goutte d’eau vous garantissant des excursions respectueuses des baleines et des dauphins en Méditerranée, un peu à la manière de celui de l’Alliance Éco-Baleine dans le parc marin du Saguenay–Saint-Laurent.

Merci à Julie Jourdan du GECEM et l’équipe du GIS3M de m’avoir accueilli pour une journée !

Carnet de terrain - 9/4/2018

Mathieu Marzelière

Mathieu Marzelière s’est joint à l’équipe du GREMM en 2017 comme assistant de recherche bénévole pour le programme de recensement photographique des grands rorquals du parc marin. Depuis, il est assistant de recherche technicien pour les projets de recherche sur les bélugas. Mathieu a aussi été observateur de mammifères marins (OMM) sur des sites de construction maritime.

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