Par Christine Gilliet
Le gouvernement québécois l’a annoncé le 27 septembre dernier: il n’y aura pas d’exploration ou d’exploitation de pétrole ou de gaz dans l’estuaire du Saint-Laurent, un milieu reconnu comme étant « complexe et fragile ». La zone comprend l’estuaire et s’étend jusqu’au nord-ouest du golfe. Les îles de l’estuaire n’auront aucune activité de forage, même si des permis ont déjà été acquis par des entreprises. Quant au reste du golfe, le gouvernement se donne jusqu’à 2012 pour étudier la faisabilité des forages.
La zone frappée d’interdit a fait l’objet d’une Evaluation environnementale stratégique (EES 1) et couvre une superficie de 29 000 kilomètres carrés. Entre les deux rives, elle s’étend de l’île d’Orléans jusqu’à la pointe ouest de l’île d’Anticosti. Ce territoire maritime comprend le parc marin du Saguenay–Saint-Laurent (PMSSL) créé en 1998, l’unique aire marine protégée au Canada.
Les données et avis scientifiques ont été entendus
D’après les conclusions de l’EES 1, les activités de forage sont considérées comme nuisibles pour l’habitat et la vie des mammifères marins, dont plusieurs espèces sont en péril, telles que les bélugas, les rorquals bleus, les rorquals communs et les marsouins communs. Outre la pollution sonore générée par les relevés sismiques dès l’exploration, le risque de contamination est aussi jugé trop important pour la pêche commerciale, le tourisme et les zones côtières habitées par 200 000 habitants dont les activités économiques et socioculturelles dépendent de ces secteurs.
La ministre Normandeau a aussi déclaré qu’aucune activité de forage ne sera autorisée sur les îles de l’estuaire (l’île aux Oies, l’île aux Grues, l’île aux Coudres, l’île Verte, l’île du Bic et l’île Saint-Barnabé) et que l’interdiction devrait toucher l’île d’Orléans. Les permis pour l’exploration déjà alloués aux entreprises pétrolières devront être évalués sur le plan juridique par le gouvernement. Ces permis avaient été octroyés selon les règles fixées par le ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF).
Le golfe, aussi fragile et important pour l’écosystème, est à l’étude
Si la bonne nouvelle de l’interdiction est bien accueillie par les milieux scientifiques et environnementaux, la porte reste ouverte pour les compagnies pétrolières dans le reste du golfe, même s’il est encore sous le coup d’un moratoire jusqu’à 2012. L’EES 2 en cours devra se terminer d’ici là. La zone étudiée couvre environ 110 000 kilomètres carrés et comprend le bassin de la baie des Chaleurs, le bassin d’Anticosti (nord du golfe du Saint-Laurent) et le bassin de Madeleine (sud du golfe). On estime le potentiel à 2 milliards de barils de pétrole sous les eaux du golfe.
Le golfe est un secteur tout aussi fragile que l’estuaire, a expliqué Robert Michaud au Devoir, président du Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM) à Tadoussac. « Le golfe est une petite mer dont toutes les composantes sont étroitement liées. En fait, la richesse de l’estuaire provient de la productivité du golfe. Toute la base de la chaîne alimentaire, dont dépendent tous les grands mammifères marins qui remontent l’estuaire, est en quelque sorte produite dans le golfe et amenée dans l’estuaire. Si on affecte la productivité du golfe, c’est donc la source de l’alimentation de l’estuaire qui est affectée ».
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