Une mission océanographique vient de se dérouler, du 1er au 15 juillet, à bord du navire de recherche Coriolis II dans l’estuaire maritime et le nord-ouest du golfe du Saint-Laurent, avec pour but de documenter le manque d’oxygène ou hypoxie dans les eaux de cette zone. Les résultats préliminaires révèlent que l’hypoxie sévère dans les eaux profondes (en dessous de 250 mètres) s’étend désormais jusqu’à Sept-Îles dans le golfe, alors qu’en 2009 elle atteignait Matane. Avec un taux de concentration en oxygène dissous d’environ 20 %, chutant même à 16 % à certains endroits, les scientifiques observent une diminution de moitié depuis les années 1930 (ce taux atteignait alors 38 %).
Des chercheurs des universités McGill, UQAR/ISMER, Concordia, UQAM, de Montréal et du Delaware ont participé à la mission sous la direction d’Alfonso Mucci et parcouru près de 1 600 milles marins (environ 2 900 km). Ils ont effectué des prélèvements dans la colonne d’eau et dans les sédiments.
L’oxygène est essentiel pour la vie marine
Comme sur terre, l’oxygène est essentiel à la vie des organismes marins et à la production de nourriture. « C’est très préoccupant, même si on ne peut pas tirer de conclusions, car les interrelations sont complexes au sein de la chaîne alimentaire. Mais, cela influence le cycle naturel de production de nourriture », déclare Bjorn Sundby, océanographe et chercheur principal, initiateur du projet de recherche.
Le phénomène d’hypoxie grave est apparu dans le milieu des années 1980 dans l’estuaire maritime, ne permettant plus la survie de la morue, indique Denis Gilbert sur le site internet de Pêches et Océans Canada. Il qualifie « zones mortes » les milieux impropres à la vie de poissons, mollusques et crustacés. Au cours des récentes décennies, la proportion d’eau du courant du Labrador qui entre dans le golfe du Saint-Laurent a diminué, alors que celle de l’eau du centre de l’Atlantique Nord a augmenté. Cette situation a contribué non seulement à la diminution des concentrations en oxygène dans les eaux profondes de l’estuaire maritime du Saint-Laurent, mais également à une augmentation de 1,65 °C de leur température.
Le garde-manger des baleines en danger?
Selon Denis Chabot, chercheur en bioénergétique, de Pêches et Océans, les espèces moins tolérantes quittent si elles sont mobiles, ou meurent si elles ne le sont pas. Des espèces plus tolérantes peuvent gagner en abondance, si elles étaient déjà présentes, ou carrément immigrer. Mais globalement, diversité et productivité auront baissé. Les mammifères marins s’alimentant de proies benthiques ont peut-être déjà un garde-manger différent de ce qu’elles avaient avant les années 1980. Leur garde-manger est peut-être encore en train de changer.
La modification des courants océaniques, les changements climatiques, la pollution et la nitrification des eaux de surface due aux activités humaines constituent les facteurs principaux causant la baisse d’oxygène. « Actuellement, la population est très préoccupée par l’érosion des berges. Le phénomène d’hypoxie est invisible, comme caché sous le tapis, mais tout aussi alarmant. S’il s’accentuait, il pourrait avoir des conséquences catastrophiques pour l’écosystème, la pêche, les mammifères marins et l’industrie touristique d’observation », commente Bjorn Sundby.[Radio-Canada, Pêches et Océans Canada]
En savior plus
Sur le site de Radio Canada : Le fleuve suffoque
Sur le site de Pêches et Océans Canada : Les « Zones mortes » vont-elles s’étendre dans le fleuve Saint-Laurent?