Si les dauphins dorment en maintenant un hémisphère de leur cerveau éveillé, c’est parce qu’ils doivent régulièrement nager en surface pour respirer. Selon une récente étude, ils conservent aussi leur pleine capacité à percevoir leur environnement en émettant des sons et en recevant des échos. Il s’agirait de garder le contact dans le groupe et de se protéger des prédateurs. Les chercheurs états-uniens ont publié les résultats de leur recherche sur le site Internet PLoS One, le 17 octobre 2012.

Comme tous les cétacés, les dauphins viennent percer la surface pour remplir d’air leurs poumons. Ils doivent donc maintenir un certain niveau de vigilance cérébrale pendant leurs périodes de sommeil pour assurer cette fonction vitale. Pour cela, un des deux hémisphères de leur cerveau reste toujours en activité, sur un mode d’alternance, pour que l’autre hémisphère se mette en mode repos.

En continu

En janvier 2010, les chercheurs ont mené leur étude avec deux grands dauphins (Tursiops truncatus) préalablement entraînés, près des côtes californiennes, pour répondre à cette question: les dauphins conservent-ils d’autres capacités pendant ces moments de sommeil, notamment celle de l’écholocalisation? L’écholocalisation, qu’on peut qualifier de sonar biologique, permet à ces animaux de repérer leur environnement en émettant des clics et en recevant un écho. Dans les eaux sombres et parfois turbides des profondeurs marines, leurs capacités visuelles ne sont pas suffisantes pour obtenir des informations sur ce qui les entoure. Mais le son se propageant très bien dans l’eau, l’évolution a doté ces mammifères de capacités acoustiques bien plus efficaces et opérationnelles. Pour les cétacés à dents, comme les dauphins, bélugas, marsouins, on sait que l’écholocalisation joue un rôle majeur pour la détection des proies, la navigation, le maintien de la cohésion sociale dans les groupes et pour le repérage des prédateurs.

Pour l’étude expérimentale, la femelle Say, âgée de 30 ans, et le mâle Nay, 26 ans, ont été placés à l’intérieur d’une cage de 6,1 m de côté dans la baie de San Diego. Avec une base gonflable flottant en surface, cette cage était équipée de filets permettant de laisser passer les sons. Pendant trois sessions de cinq jours, les deux dauphins ont eu à détecter des cibles fantômes, diffusant l’enregistrement de sons émis par un autre dauphin, et à presser sur une pédale à chaque fois que la localisation de cette cible avait été effectuée. Avec huit hydrophones, les chercheurs ont enregistré les clics sonores produits par les dauphins lors de d’écholocalisation.

Pendant ces périodes de cinq jours, Say a détecté les cibles et répondu à la demande de réponse comportementale en faisant preuve d’une performance de 97 à 99 %, et Nay entre 75 et 86 %. Say a ensuite mené la même expérience en continu pendant 15 jours, avec un niveau de performance remarquable. Prévue pour durer 30 jours, l’expérience a dû être interrompue en raison d’une tempête.

Une performance normale car indispensable

Avec ces résultats, les chercheurs suggèrent que le sommeil hémisphérique unilatéral, qui permet en tout premier lieu de conserver des capacités cognitives et motrices pour aller respirer à la surface, peut avoir pour autre fonction de contribuer à la vigilance sur le long terme. Maintenir une attention permanente permettrait aux dauphins de garder le lien entre les divers membres du groupe, entre une mère et son petit, et à se défendre des prédateurs.

Cependant, les chercheurs estiment que des preuves physiologiques sont nécessaires pour compléter leurs résultats, telles que des électroencéphalogrammes. Ils ajoutent en conclusion de leur étude que d’un point de vue anthropomorphique, leurs capacités à maintenir un niveau de vigilance suffisant pour lire leur environnement pendant plusieurs jours nous semblent extrêmes et spectaculaires. Mais pour ces dauphins, cette acuité est avant tout nécessaire à leur survie, car si les mammifères marins dormaient comme les mammifères terrestres, ils se noieraient.[PLoS One, Futura Sciences, MaxiSciences, e! Sciences News, ZME Science]

En savior plus

Sur le site de PLoS One (en anglais seulement) : Dolphins Can Maintain Vigilant Behavior through Echolocation for 15 Days without Interruption or Cognitive Impairment

Actualité - 25/10/2012

Christine Gilliet

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