Les changements climatiques seront potentiellement favorables à la population qui fréquente en hiver les eaux de la péninsule de Baja. L’écotourisme dans les lagons du sud délaissés par les cétacés risque de décliner et fragiliser la vie des communautés.

Une étude, menée par des scientifiques mexicains, vient d’être publiée et met en lumière les menaces qui pèsent sur la vie socioéconomique des petites villes côtières de la Basse-Californie dont une grande part de l’économie repose sur l’observation de la baleine grise.

Des changements favorables aux baleines

Les baleines grises (Eschrichtius robustus) du Pacifique Nord-Est effectuent une des plus grandes migrations parmi les mammifères. Chaque année, elles parcourent 16 000 km le long des côtes ouest de l’Amérique du Nord. En hiver, elles se reproduisent et donnent naissance dans les eaux tranquilles des trois lagons de la péninsule de la Basse-Californie qui s’étire sur 180 km. Elles quittent ces eaux chaudes pour passer l’été dans les mers de Béring et des Tchouktches, où elles se nourrissent de petites proies benthiques. Un tiers seulement de la population migre: les femelles gestantes et sexuellement matures, des mâles et des juvéniles; le reste se répartit le long des côtes entre l’Alaska et la Californie. La population est estimée à 20 000 individus.

Cette population serait en train de modifier son patron de migration à cause des changements climatiques, en restant plus au nord de leurs quartiers habituels et plus longtemps, que ce soit en été ou en hiver. Quand la saison estivale dans les latitudes de l’Alaska est plus chaude et que le couvert de glace est moins important, la période d’alimentation s’allonge, et les femelles gestantes en tirent le bénéfice d’une meilleure condition physique et d’une plus forte natalité. L’hiver, un plus grand nombre de baleines fréquentent les lagons situés plus au nord de la péninsule de la Basse-Californie, comme le Ojo, au détriment du lagon plus au sud, le Magdalena.

Quand l’économie repose sur les baleines

L’industrie d’observation dans les lagons, qui a débuté en 1972, accueille quelque 28 000 touristes par an. Pratiquée dans une aire marine protégée créée la même année, l’activité est soumise à la réglementation et à l’adoption de bonnes pratiques établies par le gouvernement mexicain. Le nombre de permis, de visiteurs et de bateaux présents sur un site d’observation est limité, ainsi que les manœuvres, distances et vitesses d’approche des cétacés. Des restrictions d’accès ont été instaurées dans les zones où les baleines donnent naissance et allaitent leurs petits.

Selon les auteurs de l’étude, si la tendance se confirmait, c’est-à-dire si les baleines grises optaient pour des lagons plus au nord en hiver, elles seraient exposées à d’autres problèmes environnementaux et de nouvelles menaces liées aux activités humaines: des baies plus ouvertes sur la pleine mer et des côtes plus fortement urbanisées. Ils estiment que les acteurs de la conservation des baleines grises ne sont pas préparés à ces nouvelles conditions. Des études devront être menées dans ces lagons du nord de la péninsule pour mieux évaluer ces nouvelles problématiques, et plus particulièrement pendant les années anormalement chaudes en raison du courant El Niño. Les caractéristiques géographiques et océanographiques de ces régions devront être décrites et prises en compte, ainsi que les impacts potentiels des activités humaines, comme l’exploitation des hydrocarbures, la pêche commerciale, le trafic maritime, l’industrie d’observation, la recherche scientifique et les fermes côtières d’élevage de thon. Avec ces nouvelles données, de nouvelles réglementations pourraient être mises en place.

L’activité des bateaux d’observation des lagons du sud de la péninsule subirait un déclin, d’autant plus que cette industrie repose uniquement sur l’observation des baleines grises. Des impacts dévastateurs sont à craindre pour les communautés des petites villes côtières mexicaines dont l’économie est déjà précaire. Les auteurs recommandent qu’une recherche soit effectuée pour créer des activités écotouristiques alternatives durables, dans une région qui bénéficie d’un environnement sauvage et d’une grande diversité biologique.

Sources: National library of Serbia, NOAA Fisheries Service, ESRI, Faculté des Sciences de l’Université de Sherbrooke

Pour en savoir plus:

Actualité - 10/10/2013

Christine Gilliet

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