Par Chloé Chartrand, Agente en gestion des ressources au parc marin du Saguenay–Saint-Laurent
Une fois par semaine durant la saison estivale, nous effectuons le suivi prédateurs-proies dans l’estuaire maritime. L’objectif de ce projet est de documenter les relations entre l’abondance et la répartition des mammifères marins, des oiseaux marins et de leurs proies dans le parc marin du Saguenay–Saint-Laurent. Il est 8 h du matin. Eliza, Sarah et moi montons à bord de l’embarcation L’Alliance où nous attend notre vaillant capitaine, Simon. Aussitôt arrivée, je télécharge nos transects sur l’ordinateur de navigation et nous nous dirigeons vers l’aval du parc marin.
Qu’est-ce qu’un transect?
Un transect est une trajectoire linéaire à partir de laquelle nous récoltons des données scientifiques. Nos transects sont disposés aléatoirement dans l’estuaire maritime perpendiculaire à la côte. Au total, nous effectuons cinq transects par jour entre le quai des pilotes aux Escoumins et la bouée K54 au large de Tadoussac À chaque journée d’échantillonnage, nous générerons de nouveaux transects. Cette méthode de prise de données nous permet de limiter les biais dans nos analyses.
Activons l’échosondeur
Arrivés à l’extrémité de notre transect, nous mettons à l’eau l’échosondeur scientifique. L’échosondeur génère des sons de différentes fréquences dans la colonne d’eau et enregistre les échos qui rebondissent sur des cibles comme les poissons, zooplancton, végétation, fond marin, etc. Ces données nous permettent ensuite de classifier les types de proies et de mesurer l’abondance et la densité des organismes pélagiques vivants sous la surface de l’eau.
L’observation des prédateurs
Après avoir activé l’échosondeur, c’est le temps de monter sur le pont supérieur pour se préparer à entamer notre premier transect. Simon doit suivre le transect à environ 6 nœuds. Cette vitesse nous permet d’obtenir de bonnes données, tant pour les prédateurs que les proies. Dès le transect débuté, mes collègues et moi nous positionnons sur le pont et scannons l’horizon à la recherche de prédateurs et d’embarcations. Sarah et moi sommes attitrées à l’observation des mammifères marins et des embarcations présentes tandis qu’Eliza observe uniquement les oiseaux marins. Nous récoltons des informations sur la présence de prédateurs, l’heure d’observation, la distance et les comportements observés. Les informations que nous avons recueillies nous permettront de documenter la variation d’année en année et la distribution des prédateurs ainsi que la relation entre l’abondance et la répartition des prédateurs et celle des proies.
Les données physico-chimiques
Après 30 minutes d’observation, notre capitaine Simon nous avise que nous sommes rendus au point CTD. L’équipe cesse les observations et déploie la sonde afin de mesurer la température, la salinité, l’oxygène et la fluorescence de la surface jusqu’au fond marin.
Quatre transects et un point CTD plus tard, nous avons complété notre sortie terrain. Notre journée est terminée, mais le travail est loin de l’être! Beaucoup de données sont collectées lors de nos sorties, il nous restera à les compiler et en faire l’analyse.
Un aperçu de quelques-unes de nos observations de l’été
12 juillet : Plusieurs observations de Guillemots marmettes juvéniles avec leurs parents.
31 juillet : Agglomération de krill à environ 100 m de profondeur sur la falaise nord en aval près des condos Natakam à Essipit et de la base de plein air des Bergeronnes. On y observe des bateaux en observation de rorquals à bosse.
10 août 2023 : Les conditions météo sont excellentes et nous observons plusieurs marsouins, dont près de la falaise sud au large de l’estuaire maritime, où se trouve de petits bancs de poissons.
15 août 2023 : Nous avons observé une vingtaine de fous de Bassan subadulte. Vis-à-vis le secteur du moulin à Baude à Tadoussac, non observons quelques bancs de poissons. En nous déplaçant vers le sud, dès que la profondeur de l’eau atteint 100 mètres, nous voyons apparaitre un dense banc de krill sur l’échogramme. Nous devons même interrompre notre transect, car un rorqual à bosse fait surface droit devant nous, à 200 mètres.
En conclusion, la grande vedette de cet été est le krill! Nous avons observé de denses agrégations lors de presque toutes nos sorties terrain. Il est difficile de prédire ce que l’an prochain nous réservera en raison de la complexité des facteurs qui influencent l’abondance des proies dans le parc marin. Documenter ce qui se passe à la surface et dans les profondeurs de l’eau est primordial pour mieux comprendre et protéger les écosystèmes de l’estuaire du Saint-Laurent!