La gueule ouverte se déploie comme un accordéon grâce aux plis de la peau de la gorge et du ventre et les fanons retiennent une quantité phénoménale de krill. Voilà la description d’un repas copieux de rorqual bleu et la scène qu’observe notre collaboratrice de Franquelin le 19 février au matin.
Deux rorquals bleus se trouvent à trois kilomètres de chez elle; ils nagent en eaux libres. Elle les voit faire surface, tournés sur le côté, la gueule grande ouverte et avec l’une des nageoires pectorales levée dans les airs. Après 45 minutes à les regarder festoyer, l’observatrice abandonne son poste de vigie alors que les deux géants s’éloignent en direction de l’est. Toutefois, les mentions ne s’arrêtent pas là! Elle les reverra à deux reprises plus tard dans la journée.
Migrateurs, les rorquals bleus devraient normalement quitter nos eaux pour la période hivernale, mais les « greniers » richement garnis de krill dans l’estuaire et le golfe exercent un attrait. Leur appétit les entraîne à ingurgiter d’une à quatre tonnes de krill par jour. Étonnamment, en une seule bouchée, ils engouffreraient un volume d’eau pratiquement égal à leur poids, soit 90 tonnes, avant de l’expulser à travers les fanons. Du rostre au ventre, les rorquals sont équipés de sillons longitudinaux qui permettent à leur bouche et à leur gorge de s’étirer considérablement. Selon une étude de chercheurs canadiens et étatsuniens, les sillons ventraux augmenteraient de 162 % dans la circonférence de la cavité de la bouche et de 38 % dans leur longueur. L’élasticité des nerfs présents dans ces parties du corps contribuerait à rendre possible cette mécanique d’engouffrement.
Une autre témoin du secteur de Franquelin rapporte l’observation matinale des deux rorquals bleus le 19 février. La veille, elle avait repéré un rorqual à bosse environ à deux kilomètres au large de la baie de Saint-Pancrace. « La saison des baleines est commencée! », souligne-t-elle.