Le nettoyage de squelettes, une expertise pas comme les os-tres!
Ce n’est pas à bord de l’Antarès ou d’un autre bateau du GREMM que la journée a débuté ce 11 juin dernier, mais bien à bord de la Pontiac Vibe 2010 bien orangée de Michel Martin. Celle-ci peut sembler modeste, mais elle a transporté à elle seule l’entièreté de la toute nouvelle baleine à bec qui est exposée au CIMM! Où nous dirigions-nous en ce matin gris? Vers notre partenaire, la Ferme 5 étoiles pour aider à nettoyer des os de baleine pour une future exposition! Dans ce reportage terrain, Lilly et Benjamin, travaillant à la rédaction pour Baleines en direct, vous apporteront dans l’univers un peu dégoûtant, mais surtout intéressant, de l’entretien préparatoire des squelettes du GREMM.
Beaucoup d’os sur la planche!
Michel, au volant de sa voiture, nous amène à l’entrepôt du GREMM. Arrêt obligatoire pour aller chercher les équipements nécessaires pour la journée qui nous attend: couteaux, brosses en métal, bottes d’eau – ce n’est pas pour nous protéger des flaques d’eau, mais plutôt des parcelles de terre imprégnées de graisse – , etc.
De retour sur la route, cette fois : direction la Ferme 5 étoiles. Les installations du GREMM sont loin dans les terres. Il n’y a ni d’électricité ni d’eau courante. L’eau est pompée à partir d’un étang à proximité et les éléments sont alimentés au propane. Plusieurs squelettes y sont entreposés : un dauphin à nez blanc, un béluga avec une scoliose sévère et finalement une espèce rare, une baleine à bec de True. Beaucoup d’ossements sur la planche!
Une fois arrivée, notre équipe enfile les bottes d’eau et s’asperge de chasse-moustique. Notre journée peut finalement commencer. Nous avons de la chance, le temps est doux et nuageux. Mission de la matinée, enlever les tissus organiques restant sur les ossements des nageoires pectorales du dauphin à nez blanc. Le travail est déjà bien entamé. Michel met à bouillir de grands chaudrons d’eau. Il s’agit d’un travail répétitif à ce stade. Il faut bouillir les ossements pour ramollir les résidus de chair avec prudence pour ne pas altérer la structure de l’os. Ensuite, il faut gratter avec un couteau ou bien une brosse métallique. Il faut répéter les étapes, encore et encore, jusqu’à ce que les os soient propres. Une fois cette phase terminée, il faudra faire les tâches similaires pour dégraisser les squelettes: une alternance entre trempage et séchage.
Après des heures de grattage, c’est la pause diner. Nous en profitons pour interroger Michel, en commençant par les émotions que lui invoque ce travail. « La nostalgie », nous répond-il dans un premier temps. Il se remémore les différentes histoires qu’il a traversées souvent accompagnées par son coéquipier Patrick. Il décrit leur relation comme s’ils étaient « chacun un hémisphère du même cerveau ». Dans un deuxième temps, il se souvient de la chaleur qui peut devenir accablante dans cette plaine de Sacré-Coeur.
Nous l’avons questionné s’il avait une anecdote à nous raconter sur le nettoyage de baleine. Bien que l’odeur repousse plusieurs, de nombreux petits animaux y semblent indifférents. Il arrive souvent que de petites bêtes s’infiltrent dans les équipements et les ossements. Michel nous raconte que lors du nettoyage de Piper, la baleine noire du CIMM, ils ont dû créer de grandes piscines d’eau pour tremper les os. Dans un des bassins se trouvait son crâne. Ils ont versé l’eau graduellement. Au fur et à mesure que le niveau d’eau monta, de plus en plus de souris s’enfuirent des orifices du squelette. Elles étaient plus d’une vingtaine! Nous, les seules bibittes que nous avons croisées sont les mouches et les moustiques qui voulaient notre peau!
La pause terminée, le travail recommence. La journée continua ainsi. Une alternance qui peut sembler interminable entre trempage et grattage. Bien plus que les nageoires pectorales ont été déviandées. De nombreux sacs de plastique remplis d’ossements y sont passés sous la supervision de Michel.
La journée arrive à sa fin. Il faut ranger les équipements et les ossements et remplir la voiture avec les outils qui doivent retourner à l’entrepôt. L’équipe jette leurs gants, enlève leurs bottes de pluie et embarque dans la voiture. Voici la fin d’une journée avec un gratteur de charogne.
En l’honneur de ce travail de l’ombre
Ce reportage est dédié à tous·tes ces gratteux·se·s de charognes souvent oublié·e·s. Les gens toujours éblouis par les squelettes suspendus au plafond du CIMM, ils se questionnent sur le montage, mais ils oublient l’étape la plus longue, celle des mal-aimé·e·s: le nettoyage des ossements de baleines. Une odeur de putréfaction, des milliers de larves, un soleil tapant; il s’agit d’un travail nécessaire, mais pas glorieux, nous partage Michel Martin, un naturaliste d’expérience du GREMM. Il est depuis quelques années reconnu comme étant la ressource pour la préparation des squelettes pour leur exposition au CIMM. Il a récupéré cette lourde et puante responsabilité souvent copartagée avec son acolyte, Patrick Bérubé. Ils sont les cerveaux et les bras derrière plusieurs beautés du CIMM comme Piper, la baleine noire de l’Atlantique Nord, Bergeronnes, le rorqual commun, Godbout, le rorqual à bosse et la balein à bec de Sowerby. Ils ne sont pas seuls derrière les coulisses. Nombreux et nombreuses les ont aidés durant le processus! Néanmoins, les bénévoles ne tombent pas du ciel quand vient le temps de jouer avec les morts. Les étapes pour y arriver sont multiples et fastidieuses.
De nouveaux squelettes?
Les os à la Ferme 5 étoiles sont les derniers projets de squelettes du GREMM dans un futur proche. C’est simplement un enjeu d’espace dans la salle d’exposition qui avait déjà eu un projet d’agrandissement en 2020! Nous lui avons cependant demandé si certains individus pourraient briser ce moratoire sur de futurs squelettes et il a été très clair : « Il faut que le nouveau apporte quelque chose de nouveau au musée. Un épaulard ou autre individu d’exception qu’on ne voit pas souvent dans le Saint-Laurent pourrait certainement être intéressant. » Restez aux aguets pour ces futurs ajouts à la salle d’exposition!
Pour en savoir plus
- Conservation d’un squelette de baleine : entretien avec Michel Martin, le «Monsieur squelette du GREMM» (Baleines en direct, 07/02/2023)
Lilly de Cotret
Lilly de Cotret a rejoint l’équipe en 2025 en tant que naturaliste et rédactrice. Passioné·e de biologie et d’environnement, iel cherche à devenir un·e agent·e de changement pour bâtir une société sensible, bienveillante et éduquée envers l’humain et le non-humain. Iel poursuit son objectif auprès du GREMM pour sensibiliser la population sur les beautés du monde marin et ses menaces.
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