Le narval, parfois appelé licorne des mers, n’est pas une créature imaginaire. C’est un animal bien réel, mais qui possède un pouvoir exceptionnel: celui de percevoir son environnement avec une grande précision en utilisant… le son! Des chercheurs ont récemment découvert qu’en émettant des sons pulsatiles, comme s’il utilisait une lampe de poche qui s’allume et s’éteint, le narval peut concevoir une image acoustique de son environnement avec une résolution plus grande que n’importe quel autre animal sur la planète, à l’exception, peut-être, du béluga.

Comme toutes les baleines, le narval doit remonter à la surface pour respirer. Dans son cas, chaque 4 à 6 minutes en moyenne. Cependant, contrairement à la majorité des autres espèces de baleine, le narval passe presque toute sa vie dans les conditions extrêmes de l’océan arctique, où règnent glace et noirceur une bonne partie de l’année. Malgré ces conditions, le narval réussit à trouver des fissures dans la glace pour respirer et il capture poissons et autres proies à plus d’un mile de profondeur, dans la noirceur la plus totale.

« On ne voit pas d’ouverture dans la glace sur des miles et des miles et, soudainement, il y a une petite fissure et des narvals à cet endroit, » dit Kristin Laidre, une écologiste de l’université de Washington, qui a mené l’étude. « Je me suis toujours demandé comment ces animaux naviguaient sous la glace et comment ils trouvaient ces petites ouvertures pour respirer », poursuit-elle.

Se demandant comment les changements climatiques et un océan arctique sans glace pourraient affecter le comportement du narval dans l’avenir, les chercheurs ont suivi ces baleines à bord d’hélicoptères. Sachant que les narvals utilisent l’écholocation — en envoyant des sons pulsatiles qui rebondissent sur les objets dans leur environnement — ils ont placé des microphones sous l’eau et ils ont écouté.

Les sons pulsatiles — jusqu’à 1000 clics par seconde — sont produits dans des organes connus sous le nom de lèvres phoniques ou museau de singe. Ils sont inaudibles à l’oreille humaine, mais ils sont détectables par des microphones sous-marins spéciaux. Les sons sortent par la tête du narval, qui fonctionne comme une lentille de verre, regroupant le son et l’envoyant dans un faisceau étroit qui se déplace dans l’eau et frappe ce qu’il y a sur son chemin, explique le bioacousticien Jens Koblitz, qui a participé à l’étude, au journal The New York Times. Quand les échos rebondissent, l’animal les perçoit avec les coussinets gras présents dans sa mâchoire inférieure.

Narvals / Narwhals © Flip Nicklin
Narvals © Flip Nicklin

La défense du narval, qui est en fait une longue dent et qui est depuis l’époque des Vikings une source de mystères et de légendes, joue-t-elle le rôle d’une antenne pour l’envoi ou la réception des sons? Selon le Dr Laidre, cela est peu probable, car les mâles et les femelles narvals qui n’ont pas cette longue dent semblent être d’aussi bon écholocateurs que ceux qui en ont une. Les spécialistes pensent que cette défense joue plutôt un rôle dans la compétition pour l’accès aux femelles, comme la ramure des cerfs ou la crinière d’un lion, et/ou qu’elle joue un rôle sensoriel permettant à l’animal de percevoir des changements subtils de température, de salinité ou de pression.

Cependant, malgré cette capacité du narval de concevoir une image acoustique de son environnement d’une résolution exceptionnelle, une erreur de navigation est tout de même possible, comme le démontre la présence d’un narval dans les eaux du Saint-Laurent cet été, à des centaines de kilomètres de son aire de répartition habituelle! Sera-t-il encore présent parmi les bélugas du Saint-Laurent l’année prochaine ou aura-t-il réussi à retrouver les siens?

Narval observé le 29 juillet 2016 près de Trois-Pistoles © GREMM
Narval observé le 29 juillet 2016 près de Trois-Pistoles, au sein d’un groupe de bélugas © GREMM

Sources:

Narwhals, Tusked Whales of the Arctic, See With Sound. Really Well. (The New York Times, 09/11/2016)

Le narval (Fédération canadienne de la faune)

Actualité - 21/11/2016

Béatrice Riché

Après plusieurs années à l’étranger, à travailler sur la conservation des ressources naturelles, les espèces en péril et les changements climatiques, Béatrice Riché est de retour sur les rives du Saint-Laurent, qu’elle arpente tous les jours. Rédactrice pour le GREMM de 2016 à 2018, elle écrit des histoires de baleines, inspirée par tout ce qui se passe ici et ailleurs.

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