René Roy est un cétologue amateur, passionné de la mer et des baleines, résidant à Pointe-au-Père, dans le Bas-Saint-Laurent. Depuis plusieurs années, il entreprend des expéditions de photo-identification pour le compte de la Station de recherche des îles Mingan (MICS), principalement en Gaspésie. Il est également bénévole pour le Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins.
Le 20 août, une journée « grand bleu » et un vent nul ou presque: voici des incitations à sortir au large pour voir ce qui se passe du côté de Longue-Rive et de Portneuf-sur-Mer près de la rive nord de l’estuaire. La seule contrainte, et elle est de taille, c’est l’heure de sortie et d’entrée à la rampe de lancement de bateau au village du Bic. Cette descente est située à l’embouchure de la rivière Bic et elle n’est pas utilisable dans les 2 h 30 où la marée est très basse.
Il faut faire vite. C’est une sortie éclair que je fais, profitant de la marée haute du midi. Je quitte la petite marina pour sortir entre l’île du Massacre et l’île Brûlée en aval de l’embouchure de la rivière Bic. Je longe ensuite l’île du Bic par l’est et finalement l’île Bicquette pour atteindre le large. À six milles au nord-ouest de l’île Bicquette, j’aperçois un grand souffle. C’est un rorqual commun. Je m’approche et je prends quelques photos du flanc droit puisque mes amis du MICS ne veulent pas de photos de l’autre côté. En effet, le patron de coloration sur le côté gauche est moins étendu que celui du côté droit. En sortant pour respirer, l’animal tourne et je vois son côté gauche avec une énorme cicatrice sur le dos. Je reconnais « Trou ». C’est une belle sortie qui s’amorce.
Je file vers le nord-ouest, au large de Longue-Rive, pour entreprendre un transect qui suit la direction sud-ouest vers le nord-est. Ce trajet longe la falaise sous-marine du littoral près de laquelle passe la voie maritime (voir la carte dessous). Cette falaise passe abruptement de 60 m à 300 m. J’ai l’habitude de suivre cette falaise où se trouvent souvent des baleines qui profitent de l’accumulation de nourriture causé par la remontée d’eaux froides. Les cargos passent très près de cet endroit où les baleines s’alimentent.
Tout juste arrivé au large de la rivière Sault-au-Mouton, un très grand souffle s’élève. C’est un magnifique rorqual bleu. Cette baleine est « coopérative » [note de la rédaction de Baleines en direct: ce mot de jargon est utilisé sur le terrain entre l’équipe du MICS et René Roy pour qualifier une baleine facile à suivre pour son identification] et cela me permet de prendre plusieurs photos de ses deux côtés pour fin d’identification puisqu’elle fait des sorties aux sept minutes. Au même moment, un énorme cargo semble se diriger vers nous; il est à un quart de mille environ.
Je poursuis mon trajet vers le nord-est pendant près d’une heure. Je rencontre des sternes pierregarins, perchées sur des bois flottants, et des phalaropes à bec étroit nageant dans les barres de courant. J’aperçois au large des bancs de Portneuf-sur-Mer, un grand dos qui plonge. C’est un autre rorqual bleu. Ses plongées sont beaucoup plus longues: 22 minutes.
À ce rythme, les sorties sont peu nombreuses et j’ai peu de bonnes photos de son côté droit. Tout de même, une seule bonne photo d’un côté peut être suffisant pour apparier l’animal s’il est déjà au catalogue du MICS. À 15 h, je quitte le géant pour rentrer. Une heure de navigation pour atteindre le Bic. Les cinq heures de ma sortie, dans ces conditions, sont passées très vites.
L’un des deux rorquals bleus rencontrés, je l’avais déjà observé au début du mois d’août 2013 dans le secteur de Gaspé. L’autre, c’était la première fois que le voyais. Les deux sont connus du MICS.
Les photos sont au crédit de René Roy