Une récente publication états-unienne rapporte les observations et analyses d’une équipe chargée d’étudier et prendre soin d’un béluga en captivité. Noc émettait des sons ressemblant à des paroles, dans une gamme de fréquences humaine. Ce cas unique en captivité témoigne de la part du béluga d’un apprentissage et d’un effort physiologique pour produire ces sons.
Les résultats de ces observations ont été publiés par la National Marine Mammal Foundation le 23 octobre 2012 dans le journal Current Biology. L’équipe de scientifiques de San Diego (Californie), dirigée par le professeur Sam Ridgway, a côtoyé pendant des années ce béluga en captivité, qui partageait un bassin avec deux femelles de son espèce et des dauphins. C’est au bout de sept ans après son arrivée dans l’aquarium en 1977 que Noc s’est mis à émettre des sons proches du langage humain, sans qu’il y ait été entraîné. La découverte s’est produite quand un plongeur a entendu un son ressemblant au mot anglais « out » répété plusieurs fois, et a réalisé qu’il provenait du béluga.
Fréquences sonores humaines et effort de pression
Les sons émis par Noc ne forment pas des mots véritablement reconnaissables et compréhensibles, mais ressemblent à une conversation marmonnée, ou tenue par deux personnes à une distance éloignée. Sam Ridgway précise que ces « conversations » ont été entendues plusieurs fois par les membres de l’équipe avant d’identifier que Noc en était la source. Dès lors, les scientifiques ont enregistré ses séquences d’imitation du langage humain dans l’air et sous la surface.
Les caractéristiques de ces imitations sont proches de la voix humaine, dans une gamme de fréquences entre 200 et 300 Hz, et diffèrent des sons que les bélugas produisent dans de plus hautes fréquences. Pour émettre leurs sons, les bélugas doivent exercer une pression dans leurs cavités nasales. Pour pouvoir comprendre par quel mécanisme physiologique Noc pouvait produire de telles imitations, le béluga a été entraîné par l’équipe à répondre à une demande de production de « conversation ». Pendant ces séquences, des cathéters de mesure de pression ont été installés dans les cavités nasales de la baleine blanche. Il s’est avéré que, pour parvenir à imiter le langage humain, Noc devait faire augmenter la pression et la faire varier en ajustant la contraction musculaire de ses organes phoniques, ce qui semble avoir nécessité un effort de la part du béluga.
Un apprentissage unique et une étude à poursuivre
Selon Sam Ridgway, « les sons enregistrés sont clairement un exemple d´apprentissage vocal effectué par une baleine blanche ». Noc était exposé à des conversations tenues par des humains en surface, mais aussi à des communications, transmises par des équipements, entre les plongeurs et les membres de l’équipe en surface.
Noc a produit ces imitations pendant quatre ans et s’est arrêté alors qu’il atteignait son âge adulte. Il a continué à vocaliser en émettant des sons propres aux bélugas jusqu’à sa mort en 1999, à l’âge de 24 ans.
Si des vocalisations de bélugas ressemblant à des paroles humaines ont été au préalable observées en milieu naturel, Noc est le premier cas de béluga en captivité capable de telles imitations. L’équipe de San Diego estime toutefois que de telles observations basées uniquement sur l’écoute doivent être considérées avec prudence et reconnait que Noc n’était pas un aussi bon imitateur que les perroquets.
Sam Ridgway déclare néanmoins: « S´il y a eu un certain nombre d´années depuis que nous avons rencontré ce mimétisme spontané, c´est notre espoir que la publication de nos observations aujourd´hui mènera à de nouvelles découvertes sur l´apprentissage des mammifères marins et de la vocalisation. Comment cet unique “ esprit ” interagit avec d´autres animaux, les humains et l´environnement océanique est un défi majeur de notre temps ».[Current Biology, Maxisciences, Le Monde, Digital Journal, The Guardian]
En savior plus
Sur le site de Current Biology (en anglais seulement): Spontaneous human speech mimicry by a cetacean