Depuis quelques années, je viens occasionnellement au Mexique pendant l’hiver, afin de réchauffer mes vieux os. J’en profite toujours pour faire quelques sorties aux baleines dans les aires de reproduction du sud, question de ne pas rester trop longtemps éloigné des mammifères marins. J’ai ainsi l’opportunité d’être témoin de comportements différents de nos aires d’alimentation estivales.
Cette fois, je ne peux résister à l’envie de vous partager l’extraordinaire expérience que j’ai vécue mi-février, lors d’une sortie au large : une scène de compétition intense entre mâles rorquals à bosse pour les faveurs d’une femelle. L’occasion de vous parler des recherches scientifiques réalisées sur les cétacés sur la côte Pacifique du Mexique.
Entre danse et combat
Cette année, je suis revenu à Mazatlán qui se trouve sur la côte ouest du Mexique, tout juste au sud de la mer de Cortés et de la basse Californie. Ici, dans les eaux chaudes du Pacifique, c’est en janvier et en février que l’on peut observer une bonne quantité de rorquals à bosse, puisque que ceux-ci viennent pour s’y reproduire et mettre bas avant de remonter vers leurs aires d’alimentation au large des États-Unis et du Canada. Les autres espèces de rorqual se font plus rares près de la côte, mais on retrouve aussi bon nombre de dauphins.
Le 14 février dernier, j’ai eu la chance d’être invité par mon ami Oscar Guzón de ONCA Exploraciones, à une sortie d’observation hors de l’ordinaire. Nous avons patrouillé cette aire de reproduction des rorquals à bosse pendant 4 heures. Nous y avons rencontré quelques tortues olivâtres, de grands bancs de grands dauphins Tursiops qui venaient jouer dans les vagues du bateau, des lions de mer, et évidemment environ une douzaine de rorquals à bosse.
Nous avons surtout assisté, pendant plus d’une heure, à un combat de mâles rorqual à bosse pour les faveurs d’une femelle. Un comportement inhabituel pour moi, qui fait habituellement de l’observation dans une aire d’alimentation. Mais ici, au large de Mazatlán, nous sommes dans une aire de reproduction! Le clou du spectacle fut évidemment cette « Rumba » – d’ailleurs ce terme vient probablement de « Rumble » en anglais qui signifie « se bagarrer » plutôt que de la danse afro-cubaine du même nom.
Il m’est difficile de décrire en quelques mots cette bagarre et les stratégies utilisées par les mâles pour conquérir la femelle. Tout ce que je peux faire, c’est vous soumettre quelques photos et le petit montage vidéo ci-dessous, pour vous permettre d’imaginer ce qu’on a eu la chance d’observer durant plusieurs heures : de robustes échanges en surface entre ces mâles qui nous font présumer de coups tout aussi violents sous la surface. Pas étonnant que certains jeunes mâles du Saint-Laurent préfèrent rester dans le garde-manger plutôt que d’aller se frotter aux vieux mâles expérimentés dans le sud!
Recherche et éducation dans la mer de Cortez
Je profite de cette incroyable anecdote pour vous parler d’un scientifique de terrain qui fait un travail de pionnier ici sur la côte Pacifique du Mexique : mon ami Oscar Guzón. Depuis plus de quinze ans, Oscar effectue du travail de terrain dans un secteur situé au sud-est de la basse Californie, à la sortie de la mer de Cortez. Après plusieurs stages au Québec, notamment au MICS à la fin des années 1990 et début 2000, il a fondé ici, en 2006, sa propre station de recherche et l’entreprise ONCA Exploraciones. Cette entreprise offre des activités d’écotourisme pour financer ses recherches : sorties d’observation aux baleines, sorties ornithologiques dans une réserve à proximité de Mazatlán et même plongées dans l’habitat des cétacés. Oscar est un excellent communicateur, et un pédagogue qui croit beaucoup à l’éducation et à l’information pour sensibiliser les gens sur la richesse de l’écosystème du secteur.
Avec les membres de son équipe, Oscar Guzón fait le suivi des rorquals à bosse du secteur en effectuant du repérage et de la photo-identification pour maintenir un catalogue des individus observés. Il fait le suivi de ces animaux, l’interprétation de leurs comportements et l’enregistrement de vocalises.
Ses recherches portent sur l’analyse des patrons spatiaux-temporels de distribution et d’abondance des rorquals à bosse dans ce secteur, ainsi que sur les variations de ces schémas en lien avec les variations climatiques. En clair : où sont les baleines? Pourquoi y sont-elles, et comment utilisent-elles cet habitat? Les réponses à ces questions permettent de comprendre les menaces qui pèsent sur les cétacés dans cette aire spécifique afin de mieux les protéger.
Muchas gracias Oscar Guzón y Saúl Herrera!