Le Saint-Laurent est généreux cette semaine, offrant de belles observations de mammifères marins aux habitants et visiteurs qui prennent le temps de les regarder. On le dit et on le répète souvent, il n’y a pas de meilleure heure pour observer les baleines : celles-ci n’ont pas de rythme circadien, et leur activité n’est pas régie par l’horloge solaire. Pourtant, les souvenirs les plus émouvants et les photos les plus grandioses sont souvent baignés de la lumière dorée du lever ou du coucher du soleil.

Les chants du matin

«Hier matin, vers 7h, on a été accueillis par les sifflements des bélugas, qui vocalisaient hors de l’eau. Ça résonnait dans le silence du matin, ça donne une tellement belle raison de se lever», raconte Charlène Dupasquier. Depuis quatre jours, elle campe sur Grande Ile, au large de Kamouraska et assiste deux chercheuses qui étudient les vocalises des bélugas dans le cadre d’un projet réunissant Ocean Wise, le GREMM et le Réseau d’observation de mammifères marins (ROMM). Ensemble, elles tentent de répondre à l’intrigante question : «Existe-t-il des dialectes chez les bélugas du Saint-Laurent?»

«Il y a des bélugas en permanence ici, jusqu’à 25 individus repérés en même temps depuis notre poste d’observation. On voit beaucoup de femelles avec des bébés, des yearlings, ou des plus blancs, on a une belle diversité au niveau des classes d’âge, mais aussi au niveau des comportements», confie-t-elle. «Alimentation, socialisation… avant-hier un groupe de six bélugas blancs très massifs sont arrivés. Ils étaient « full boss des bécosses » dans leur attitude, pourchassant certaines femelles et faisant des remous. C’était sûrement un groupe de mâles!»

La palette de couleur des bélugas, du café au lait au blanc éclatant, est également présente en intégralité à Rivière-du-Loup, tandis que seuls quelques petits dos timides sont aperçus à Cacouna.

Le matin, c’est aussi le moment idéal pour repérer les grands souffles depuis le cap Bon Ami, dans le parc Forillon. Jean Roy, propriétaire d’une entreprise de croisières aux baleines, prend toujours le temps de localiser les baleines avant les premiers départs de la journée. Cette semaine, il décompte jusqu’à cinq rorquals à bosse, trois rorquals communs, ainsi que de nombreux petits rorquals et marsouins communs. Les dauphins à flancs blancs sont aussi très présents, colorant l’horizon de leurs cabrioles jaunes.

Du soleil, du vent, des vagues

Le parc marin du Saguenay-Saint-Laurent accueille actuellement une vingtaine de rorquals à bosse et possiblement le même nombre de rorquals communs. Nombreux marsouins et petits rorquals complètent le tableau. La semaine a été riche en voltiges, en claquements de pectorales et tournoiements de caudales. Il faut dire que la météo aussi a été riche, alternant calmes plats ensoleillés et coups de vent accompagnés de vagues.

Dans l’archipel de Mingan, le navigateur Jacques Gélineau aperçoit ses premiers dauphins à nez blanc le samedi 31 juillet. Deux jours plus tard, dans le coin opposé de l’archipel, il rencontre six rorquals à bosse, dont une mère et son veau, et quatre rorquals communs. Ses autres sorties sont essentiellement rythmées par la présence d’une douzaine de petits rorquals gloutons et de marsouins communs.

À Pointe-des-Monts, un observateur nous avise de la présence de douze baleines à bosse et de quatre rorquals communs ce mercredi. Quatre jours plus tôt, un touriste en vacances à Godbout nous signalait sept gros souffles. Est-ce les mêmes ? C’est impossible à dire, mais la multiplication des observations laisse penser que les eaux doivent être poissonneuses ces temps-ci.

La lumière grandiose du couchant

Au large des Escoumins, le 30 juillet, le soleil se couche, lorsque deux rorquals à bosse décident de s’en donner à cœur joie sous l’objectif du photographe Renaud Pintiaux. Identifiées comme H859 et H909, les deux baleines sautent en tous sens, semblant se jouer de la gravité. Quelques jours plus tard, c’est le souffle d’une nouvelle venue, encore non identifiée, qui semble s’élancer dans l’air doux du soir.

Le soir, c’est aussi le moment le plus apaisé sur le fjord du Saguenay. Quelle que soit la météo du jour, les eaux de l’anse de Roche semblent presque toujours retrouver leur calme au moment du coucher du soleil. Mardi soir, un guide de kayak glisse sur une mer d’huile lorsqu’un souffle retentit : un groupe de bélugas remonte la rivière, longeant la rive d’en face. Même si le béluga possède un tout petit souffle en comparaison des grosses baleines, l’épaisseur particulière du silence du soir permet d’entendre son expiration de très loin.

«Dimanche 1er aout, j’ai passé 9 heures sur la mer, nous raconte une observatrice basée à Gaspé. De midi à 17h, pas un souffle. Avec mon ami, nous avons pu observer les oiseaux, les phoques et la beauté des flancs rocheux du parc Forillon. Et puis, vers 17h, la magie opère: des centaines de dauphins à flancs blancs s’approchent de nous, des souffles de baleines jaillissent de l’océan. Au total, dans la douce lumière du couchant, nous observons huit baleines à bosse, dont un trio composé d’un baleineau et de deux adultes. Nous sommes rentrés après le coucher du soleil, à la noirceur. J’ai dormi les yeux ouverts tellement j’ai vécu ce moment intensément. Je ressens un profond sentiment de gratitude pour dame Nature, qui a été si généreuse avec nous.»

© Guylaine Marchand
© Guylaine Marchand
© Guylaine Marchand
© Guylaine Marchand
© Guylaine Marchand

Où sont les baleines cette semaine? La carte des observations

Ces données ont été rapportées par notre réseau d’observatrices et observateurs. Elles donnent une idée de la présence des baleines et ne représentent pas du tout la répartition réelle des baleines dans le Saint-Laurent. À utiliser pour le plaisir!

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Observations de la semaine - 5/8/2021

Laure Marandet

Laure Marandet est rédactrice pour le GREMM depuis l'hiver 2020. Persuadée que la conservation des espèces passe par une meilleure connaissance du grand public, elle pratique avec passion la vulgarisation scientifique depuis plus de 15 ans. Ses armes: une double formation de biologiste et de journaliste, une insatiable curiosité, un amour d'enfant pour le monde animal, et la patience nécessaire pour ciseler des textes à la fois clairs et précis.

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