Connaissez-vous la baleine australe? Cousine des baleines noires de l’Atlantique et du Pacifique Nord, cette baleine noire évolue dans les eaux au Sud de notre planète. Également classée en péril, la baleine australe arrive néanmoins à se remettre petit à petit de la chasse intensive. Embarquons pour un voyage vers les mers du Sud à la rencontre de cette espèce !
Une espèce qui a triplé la mise!
Tout d’abord, un peu d’histoire sur la différenciation de la baleine noire en trois espèces! Il y a 20 millions d’années, l’Amérique du Nord et du Sud étaient séparées par des mers profondes, où se déplaçaient les baleines franches. Une éruption volcanique sous-marine survenue il y a 18 millions d’années a peu à peu formé une chaine d’iles volcaniques, créant l’isthme de Panama il y a 3 millions d’années. Pendant ce processus de formation, les eaux entre les deux continents sont devenues peu profondes et plus chaudes, décourageant possiblement le déplacement des baleines franches. En effet, ces dernières possèdent une couche de graisse de presque 80 cm d’épaisseur, rendant la dissipation de leur chaleur corporelle interne difficile dans les eaux chaudes. Diverses études suggèrent que la création de cette barrière naturelle aurait créé une isolation physique des baleines franches, les divisant en trois espèces distinctes il y a 3 millions d’années.
Une étude sur les poux de baleines a également révélé un détail intéressant. Il y a 1 à 2 millions d’années, une, voire quelques baleines franches australes aurait réussi à traverser l’équateur pour rejoindre les autres baleines noires du Pacifique Nord. Comment les scientifiques sont parvenus à cette conclusion? Ils ont découvert que les poux de baleines Cyamus ovalis du Pacifique Nord sont génétiquement étroitement liés à ceux du Sud, et qu’aucun n’est proche de ceux de l’Atlantique Nord. L’hypothèse serait qu’une baleine noire australe aurait traversé l’équateur et se serait mêlée au sein de la population du Pacifique Nord. Ainsi, il y aurait eu transmission de poux Cyamus ovalis des baleines australes aux baleines noires du Pacifique Nord.
Un défilé chromatique naturel
Contrairement à ses cousines de l’Atlantique et du Pacifique Nord, il existe chez la baleine australe cinq phénotypes distincts, soit cinq patrons de colorations de la peau différentes!
Le phénotype le plus répandu, appelé wild type , consiste en une coloration noire de la peau sur le dos et une coloration blanche sur la partie ventrale, pouvant s’étendre de la nageoire caudale au cou. Chez certains individus, il est possible d’observer des taches blanches sur le dos. Dans ce cas-ci, ces baleines appartiennent au phénotype white blaze . Pour le phénotype nommé grey morph, les individus ont la particularité d’être de couleur blanche avec des éclaboussures de taches noires à la naissance. Au fur et à mesure que l’individu vieillit, la peau va devenir grise-brunâtre. Deux autres phénotypes découlent de ce grey morph. Pour le phénotype partial grey morph, les adultes sont noirs et présentent des taches blanches en forme d’éclaboussure. Le phénotype partial grey morph with white blaze possède, en plus des éclaboussures, taches blanches sur le dos.
Pendant longtemps, la coloration particulière du veau du phénotype grey morph a été confondue avec du leucisme voire de l’albinisme. Une étude de 2017 a permis de préciser la cause génétique de cette différence entre les phénotypes. La coloration plus claire des phénotypes grey morph proviendrait d’une plus faible quantité de mélanocytes produite tout au long de leur vie par rapport au phénotype wild type. Ces cellules à la base de l’épiderme sont responsables de la production de mélanine, un pigment de la coloration de la peau. Ainsi les veaux de type grey morph en début de vie possède peu de mélanine, expliquant leur couleur blanche. En vieillissant, l’individu accumule de la mélanine amenant à sa couleur grisâtre à l’âge adulte. Dans le cas d’individus atteints de leucisme, c’est une diminution progressive de la production de mélanine au cours de la vie qui amène à une décoloration de la peau. Dans le cas de l’albinisme, aucune mélanine n’est produite.
Des goélands pour prédateurs !
Au début des années 1970, un curieux phénomène a commencé à être observé au large de la Péninsule de Valdés en Argentine, une aire de mise bas importante pour les baleines australes. Les mères se faisaient arracher des lambeaux de peau et de gras par les goélands dominicains! Face aux attaques, les mères ont développé des comportements d’évitement, tels que la posture du « galion » avec le dos arqué à la surface, ou encore une respiration oblique en sortant seulement l’évent hors de l’eau. Si ces comportements se sont généralisés parmi les mères de la population, les veaux, qui n’ont pas adopté ces techniques, sont malheureusement devenus les prochaines victimes des goélands. Les veaux recevaient presque trois fois plus d’attaques que les mères entre 2004 et 2019, amenant à une mortalité importante des veaux. Ces attaques de goélands combinés à des facteurs anthropiques, font qu’actuellement la population de baleines noires australes au large du Chili et du Pérou a du mal à se rétablir.
Une grande chassée
La baleine australe a été une grande victime de la chasse à la baleine entre 1770 et 1980. On estime que plus de 150 000 individus ont été chassés dans cet intervalle de temps. Dès 1931, elle bénéficie d’un statut protégé suite à la convention de Genève sur la chasse à la baleine. Hélas, malgré cette protection, une chasse illégale effectuée par l’Union Soviétique entre 1948 et 1972 aura tué près de 3 368 baleines australes. Pourtant, à l’époque, seulement quatre prises de baleines australes ont été officiellement rapportées aux autorités.
Suite à ce massacre, la baleine noire australe va bénéficier du statut d’espèce en péril en 1970. Grâce à diverses mesures mises en place depuis, la population générale arrive à se rétablir et elle est aujourd’hui estimée entre 15 000 et 20 000 individus. Ce symbole d’espoir nous amène à rêver à un rétablissement similaire pour les populations de l’Atlantique Nord et du Pacifique Nord…