Quand des chercheurs ont posé une caméra sur le dos d’un rorqual à bosse, ils ne s’attendaient surement pas à récolter une vidéo d’une heure où il ne se passe strictement rien. Problème de caméra? Pas du tout! Les chercheurs ont plutôt filmé ce qui ressemble à une période de repos pour trois rorquals à bosse complètement submergés.
C’est ce qu’expliquent Takashi Iwata, affilié à l’École supérieure des sciences maritimes de l’Université de Kobe au Japon, et son équipe dans une récente étude sur le sommeil des rorquals à bosse publiée dans Behavioural Processes. Grâce aux progrès des outils d’observation sur les mammifères marins, il a pu poser un nouveau type de caméra vidéo omnidirectionnelle combinée à un enregistreur de données comportementales sur le dos d’un rorqual à bosse, aussi appelé baleine à bosse. Ce nouvel outil a permis de capter une activité habituellement difficile à observer: le repos.
Selon de précédents résultats d’étude, on croyait que les cétacés dormaient majoritairement à la surface de l’eau. Ce comportement de repos est même surnommé «billotage», en référence à l’animal effleurant la surface comme un gros billot de bois flottant. Les présentes observations aident à comprendre que les rorquals à bosse dorment aussi sous la surface avec une activité réduite à des plongées de quelques mètres puis de lentes remontées en surface. Une observation sans précédent pour cette espèce!
Dans cette vidéo, la caméra omnidirectionnelle permet d’observer un rorqual à bosse au-dessus du rorqual portant la caméra et à droite, son dos.
Filmés durant leur sommeil
Puisque les cétacés vivent en partie au large et sous l’eau, l’étude du sommeil a surtout été faite sur des animaux en captivité. Les autres informations proviennent d’observations anecdotiques ou de comparaisons avec d’autres espèces. L’utilisation d’une caméra vient donc donner une observation de plus sur le sommeil chez les baleines à fanons. «Notre étude montre qu’un enregistreur vidéo omnidirectionnel est un outil précieux pour interpréter l’écologie animale avec une meilleure précision grâce à sa capacité d’enregistrer un large champ de vision», mentionnent les chercheurs dans l’étude.
Le fait d’étudier les animaux sans présence humaine est déjà un gain pour la recherche. Dans ce contexte, le comportement observé est naturel et non influencé par la présence d’un chercheur dans son environnement.
La balise munie d’une caméra vidéo a permis d’amasser plusieurs données propres au repos du rorqual à bosse. En plus d’une vidéo d’une durée d’une heure captant les activités de trois rorquals à bosse au large de la côte de Vengsoya, en Norvège, le 26 janvier 2016, la balise a aussi enregistré leurs plongées inactives, leurs faibles mouvements de nageoires et leur vitesse de déplacement.
Un repos comparable à celui d’autres mammifères marins
Dans l’étude, les plongées dérivantes des baleines à bosse ont été considérées comme un comportement de repos parce qu’elles présentaient des caractéristiques similaires à celles d’autres mammifères marins observés par des chercheurs différents. Ces caractéristiques sont l’absence ou le peu de mouvements et une vitesse de nage lente pendant la plongée. Certaines espèces de phoques, mais aussi les cachalots, présentent des comportements relativement près de ceux observés par Takashi Iwata et son équipe. Les phoques adoptent une vitesse de nage lente, presque dérivante. Les cachalots, eux, peuvent se reposer en position verticale sous l’eau ou horizontalement quand ils se trouvent à la surface.
L’équipe soulève une possibilité: les animaux adapteraient leurs comportements de repos selon les conditions de la mer ou de leur flottabilité, entre autres variables. Ainsi, il est possible que les rorquals à bosse puissent choisir s’ils dorment en surface ou sous l’eau.
Une caméra prometteuse
La caméra omnidirectionnelle a permis de repousser les limites de l’observation des rorquals à bosse. Le sommeil figure parmi plusieurs autres comportements que les chercheurs pourront étudier avec une meilleure compréhension des facteurs environnementaux influençant l’activité des cétacés. Les accouplements et les stratégies de recherche de nourriture pourraient être mieux compris grâce à cette caméra posée sur une balise, qui n’a pas ou peu d’angles morts.
Ce dispositif permettra de repousser les connaissances actuelles sur les rorquals à bosse et, éventuellement, d’autres mammifères marins. Dans une autre vidéo avec le même type d’enregistreur, on peut observer un allaitement filmé pour la première fois du point de vue du baleineau. Ce nouvel outil de recherche est donc très utile pour mieux saisir les comportements maternels chez les rorquals à bosse. Grâce à des inventions ingénieuses, les groupes de recherche percent à jour la réalité des mammifères marins. Potentiellement, nous arriverons aussi à mieux saisir notre impact sur leurs habitats marins et les ressources dont ils ont besoin.