Bien avant que les baleines que nous connaissons et aimons nagent dans nos océans, de nombreuses créatures se cachaient dans les profondeurs. Il y a des millions d’années, les océans auraient eu une allure complètement différente. Voyagez avec nous à travers le temps et découvrez les mystères des baleines préhistoriques.

L'évolution

Les baleines existent depuis environ 50 millions d’années, bien avant que l’humain ne foule la Terre (entre 6 et 2 millions d’années). Les baleines modernes ne sont apparues qu’il y a environ 34 millions d’années. Avec autant de temps, ce n’est pas étonnant qu’elles aient pu se répandre et se diversifier. Les baleines que nous connaissons aujourd’hui ne sont pas les mêmes que celles qui existaient il y a des millions d’années. À mesure que les océans et les températures changent, que les continents s’éloignent et que leurs anciens habitats s’assèchent, de nombreuses espèces de cétacés préhistoriques ont disparu au fil du temps, un phénomène que l’on retrouve également chez les animaux terrestres. L’extinction d’anciennes espèces donne parfois aussi naissance à de nouvelles espèces, mieux adaptées à leur environnement.

Phiomicetus anubis, le dieu de la mort

Appartenant au genre éteint Protocetid, un groupe de mammifères aquatiques et semi-aquatiques de l’Éocène, Phiomicetus anubis aurait vécu il y a environ 55,8 à 33,9 millions d’années. Le fossile a été découvert près du site Wadi Al-Hitan, ou « vallée des baleines », inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. Son nom rend hommage à Anubis, l’ancien dieu égyptien de la mort à tête de chacal. Le nom a été choisi en raison de la similitude du crâne du spécimen avec celui des canidés modernes.

Une étude de 2021 décrit un trait distinctif de ce nouveau genre : les dents, qui ressemblent à celles des pinnipèdes modernes. Après observation, il s’est avéré que leurs dents servaient à capturer des proies et à se nourrir de poissons cuirassés, de tortues et de requins. Il est possible qu’ils aient utilisé une technique de chasse similaire à celle des crocodiles : les tirer sur la terre ferme et les déchiqueter en tordant leur corps.

Ontocetus posti, un morse éteint

En examinant une paire de mâchoires fossilisées du Pléistocène précoce provenant du Royaume-Uni et une mâchoire fragmentaire du Pliocène tardif de Belgique, des scientifiques ont pu décrire une nouvelle espèce d’Ontocetus, un genre éteint de morse. Les spécimens ressemblaient à ceux d’autres espèces d’Ontocetus avec, entre autres, quatre dents post-canines, une canine inférieure plus grande que les dents de la joue et une incisive inférieure. Cependant, de nombreux traits, comme la symphyse mandibulaire fusionnée et courte et la faible distance entre la canine et la joue, se retrouvent habituellement chez Odobenus.

Cet ancien morse a existé en Europe il y a 3,7 à 1,7 million d’années. Les résultats d’une étude publiée en 2024 suggèrent que l’espèce était spécialisée dans l’alimentation par succion, tout comme les morses du présent. Ils auraient donc probablement joué un rôle écologique similaire à celui des morses actuels. Leur régime alimentaire aurait été composé de palourdes et d’autres mollusques.

Le refroidissement global du Pléistocène a provoqué l’expansion de la calotte glaciaire et l’extinction de l’O. posti il y a environ 1,7 million d’années. Coincé dans le bassin de la mer du Nord, avec un régime alimentaire restrictif, il n’a pas pu supporter les effets abrupts des changements climatiques du Pléistocène inférieur.

Culebratherium sp., la vache de mer victime de prédation

Le spécimen d’un sirénien datant du Miocène précoce (il y a 23 millions à 16 millions d’années) a été découvert en 2019 dans la formation d’Agua Clara, au Venezuela. Le fossile a été identifié comme apparenté aux dugongs et aux lamantins.

L’étude de 2024 a révélé que le fossile, appartenant au genre Culebratherium, présentait des marques de prédation provenant non pas d’un, mais de deux prédateurs différents, un requin-tigre (Galeocerdo aduncus) et un crocodile. L’étude explique que ce spécimen est important, car il donne un aperçu des interactions trophiques de prédateurs importants. Les marques de deux carnivores différents montrent l’importance des siréniens dans le réseau alimentaire des Caraïbes au cours du Cénozoïque.

Les marques laissées par les deux prédateurs sont principalement concentrées autour du museau, probablement dans le but d’étouffer leur proie. Les marques d’un «rouleau de la mort» crocodilien, présentes chez les crocodiles modernes, confirment ces affirmations.

Pebanista yacuruna, un grand dauphin de rivière

De nombreuses lignées de dauphins ont évolué séparément pour vivre dans les eaux douces, comme les dauphins de rivière d’Asie du Sud et d’Amazonie. Mais bien avant l’apparition de ces espèces vivait le plus grand dauphin d’eau douce jamais connu.

Avec une longueur estimée à 3,5 mètres, cette espèce nouvellement découverte est le plus grand odontocète – baleine à dents – à habiter les systèmes d’eau douce. Une étude de 2024 explique que leur taille est considérée comme une indication de la grande disponibilité des ressources dans les eaux qu’ils habitaient, ce que confirment également d’autres taxons de l’époque. Une autre hypothèse suggère que leur taille soit liée à l’absence de prédateurs et de concurrents dans les zones humides.

Ce «nouveau» dauphin fait partie des Platanistidae, une famille de dauphins de rivière d’eau douce dont les deux seules espèces existantes sont le dauphin du Gange et le dauphin de l’Indus (ou bhulan). Cette famille de dauphins s’est diversifiée entre l’oligocène et le miocène précoce pendant le refroidissement global. La présence de Pebanista au Pérou confirme que les platanistidés étaient présents en Amérique du Sud et qu’ils étaient de taille similaire aux autres espèces marines apparentées de l’époque.

Tutcetus rayanensis, le plus ancien de sa famille

Une étude publiée en 2023 décrit une nouvelle espèce de la famille disparue des Basilosauridae. Tutcetus rayanensis est la plus petite baleine connue sur le continent africain, mesurant 2,5 mètres de long et pesant environ 187 kg, mais elle a joué un grand rôle dans l’élargissement de l’aire de répartition connue des basilosauridés. Il s’agit également de l’une des plus anciennes espèces de baleine au monde, remontant à l’Éocène moyen (il y a environ 41 millions d’années).

L’analyse des dents a permis de découvrir que le spécimen était proche de l’âge adulte, car il n’avait pas encore atteint la maturité sexuelle. La rapidité du développement dentaire, associée à sa grande taille, suggère un rythme de vie rapide pour le Tutcetus. La localisation du spécimen suggère également qu’il s’agissait d’une aire de mise bas et que le taux de mortalité juvénile était faible, cette espèce n’ayant probablement qu’une progéniture par an.

D'autres espèces à découvrir

Bien que nous ayons découvert de nombreuses espèces éteintes dans ce court article, il y en a encore beaucoup qui n’ont pu être mises sous les projecteurs et encore plus qui attendent d’être découvertes sous la surface. Avec chaque nouvelle découverte, notre compréhension des océans préhistoriques s’affine, mais les questions qui se posent à nous sont encore plus vastes. Comprendrons-nous jamais vraiment la profondeur des mystères de l’océan?

Actualité - 11/11/2024

Yael Medav

Yael Medav est une rédactrice au GREMM depuis le début de la saison 2024. Elle vient de finir son baccalauréat en biologie de la faune à l’université de McGill. Elle est fascinée par les baleines et espère voir une baleine noire cet été!

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