À lire aussi: Revue de presse des réactions au
Manifeste en appui au développement pétrolier au Québec
(mise à jour: 29 janvier 2014).
Nouveau, 29 janvier 2014: le gouvernement annule
l’appel d’offres décrit ici au deuxième paragraphe.
Le gouvernement québécois veut examiner le potentiel économique dans une zone marine protégée en projet. Des scientifiques, Premières Nations et défenseurs appellent au principe de précaution, et un manifeste appuie l’implantation de la filière.
Le ministère des Ressources naturelles (MRN) du Québec a lancé un appel d’offres le 19 décembre 2013 pour avoir une évaluation économique de l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures pour les secteurs de Old Harry et du banc des Américains, dans la portion québécoise du golfe du Saint-Laurent. Le gouvernement confirme ainsi qu’il est favorable à l’implantation de cette industrie dans le milieu marin du Québec. Il passe maintenant à l’étape de documenter le volet économique de ce projet pour cerner le degré de rentabilité de forages de gaz et de pétrole. Il l’avait annoncé en septembre 2013, après la parution du rapport final de l’évaluation environnementale stratégique (EES 2).
Exploiter dans un écosystème déjà très fragile
Si le gisement potentiel Old Harry, à 80 km des îles de la Madeleine, était déjà ciblé depuis plusieurs années, c’est la première fois que le banc des Américains situé à l’est de la Gaspésie, entre Gaspé et Percé, entre en scène dans le dossier des hydrocarbures. Jusqu’à présent, le banc des Américains est concerné par un projet de création de zone marine protégée, mené conjointement par le gouvernement fédéral et provincial, qui « favoriserait la productivité et la diversité des espèces dont plusieurs à valeur commerciale et le rétablissement des espèces en péril qui fréquentent ce site particulier », telle que le ministère Pêches et Océans Canada le décrit. Cette zone de quelque 1 000 km² est connue pour être l’habitat d’une grande diversité d’espèces marines, notamment les mollusques, crustacés, poissons de fond et mammifères marins, dont certaines sont en péril.
« Cet appel d’offres pour une étude de potentiel pétrolier sur un projet d’aire marine protégée est d’autant plus révoltant que le Québec n’a présentement aucun milieu marin protégé dans le golfe », déclare Sylvain Archambault, biologiste à la Société de la nature et des parcs du Canada (SNAP) section Québec, dans un communiqué du 19 décembre.
Une deuxième coalition se forme
La Coalition Nationale des Innus, Malécites et Mi’gmaq a aussitôt réagi à l’appel d’offres en déclarant que « le golfe est un milieu unique et fragile » et en évoquant les risques de marée noire comme celle du golfe du Mexique en 2010 due à l’explosion de la plateforme pétrolière Deepwater Horizon. Formée le 23 octobre 2013 pour protéger le golfe de ces risques, cette coalition de Premières Nations du Québec réclame « un moratoire d’au moins 12 ans sur toute exploration ou exploitation afin que soit complétée une étude de l’écosystème de toute la région du golfe et non pas seulement la partie revendiquée par le Québec ».
Elle s’appuie sur les résultats de l’EES 2 qui, selon elle, ont dressé « une liste de 34 lacunes dans l’état des connaissances scientifiques sur le golfe et qui devraient faire l’objet de recherches additionnelles, notamment les activités de pêche des Autochtones ». L’EES 2, document de 800 pages, souligne l’absence d’acceptabilité sociale d’une industrie pétrolière dans le golfe et pointe les carences actuelles dans l’intervention d’urgence lors d’un déversement et l’insuffisance d’un encadrement réglementaire en termes d’enjeux environnementaux.
« Le gouvernement du Québec se targue de vouloir mettre en place les pratiques les plus sévères au monde en matière d’exploration pétrolière en mer. Avec cette étude du potentiel pétrolier du banc des Américains, c’est bien mal parti! », reprend Sylvain Archambault, également porte-parole de la Coalition Saint-Laurent.
Pour un profit responsable
En ce début d’année 2014, onze personnalités, dont Bernard Landry, ancien premier ministre, viennent de publier le Manifeste pour tirer profit collectivement de notre pétrole. Pour elles, les profits de cette nouvelle industrie réduirait la dette du Québec et sa dépendance envers les pays producteurs étrangers. « Fermer la porte à l’exploitation du pétrole québécois serait irresponsable. Permettre une exploitation qui ne se ferait pas selon de hauts standards de protection de l’environnement le serait tout autant », peut-on lire dans le manifeste. Si les signataires du manifeste sont pour un développement de nouvelles sources d’énergie, ce sera « un jour », dans un horizon plus lointain que le court ou moyen terme. Pour eux, « il ne faut pas rêver en couleurs ».
Pour Patrick Bonin et Steven Guilbault, porte-paroles respectifs de Greenpeace et Equiterre, le modèle de la Norvège auquel se réfère le manifeste n’est pas adapté, car « les risques sont beaucoup plus importants dans le golfe en raison de sa fragilité. Il ne faut pas oublier qu’il s’agit en quelque sorte d’une mer intérieure ».
Interdire dans le golfe comme dans l’estuaire
Robert Michaud, directeur scientifique du Groupe de recherche sur les mammifères marins (GREMM) déclare que, dans l’état actuel des connaissances et moyens techniques, l’exploitation et l’exploration des hydrocarbures en milieu marin comportent des risques qui sont tout simplement trop élevés pour certains types de milieux particulièrement riches et fragiles.
« C’est d’ailleurs la conclusion qu’a tirée le gouvernement du Québec pour l’estuaire du Saint-Laurent », explique le biologiste spécialiste des bélugas. Il considère que « le golfe du Saint-Laurent mérite les mêmes standards de protection que l’estuaire, de par sa nature de petite mer semi-fermée, recelant de nombreuses espèces marines fragiles ou à valeur commerciale. Ainsi, toute activité d’exploration ou d’exploitation des hydrocarbures devrait y être interdite, que ce soit par le Québec ou les provinces de l’Atlantique. Nous sommes du même avis que M. Landry et ses cosignataires, quand ils soulignent que notre responsabilité collective est d’adopter les plus hauts standards de protection de l’environnement, en reconnaissant que le risque zéro n’existe pas ».
Sources:
Sur le site du Devoir:
Pétrole: Québec lorgne une zone fragile du golfe
Sur le site de Pêches et Océans Canada:
Site d’intérêt du Banc des Américains
Sur le site de La Presse:
Le Manifeste en faveur du pétrole québécois fait bondir les écologistes
Pour en savoir plus:
Sur le site du gouvernement du Québec:
Évaluation environnementale stratégique sur la mise en valeur des hydrocarbures dans les bassins d’Anticosti, de Madeleine et de la baie des Chaleurs (EES2) – Rapport d’étude
Sur le site de Pétrole Québec:
Manifeste pour tirer profit collectivement de notre pétrole
Sur la page Facebook de la Coalition Saint-Laurent:
Pour un moratoire dans le golfe
Sur le site de Baleines en direct:
L’exploration et l’exploitation des hydrocarbures en milieu marin
Précédentes actualités sur les hydrocarbures
En réaction au «Manifeste pour tirer profit collectivement de notre pétrole»:
Dans Le Devoir:
L’éditorial de Bernard Descôteaux, 9 janvier 2014: Pas si vite
Alexandre Shields, 9 janvier 2014: Banc des Américains – Québec évalue le potentiel… pour mieux protéger
Alexandre Shields, 13 janvier 2014: Pétrole: «un débat mal parti»
Un article d’Alexandre Shields, 16 janvier 2014: Banc des Américains: Le «potentiel économique» ne sera pas évalué
Une lettre d’opinion de Jean Baril et Michel Bélanger, avocats et administrateurs au Centre québécois de droit de l’environnement, 16 janvier 2014: Pétrole : quels «hauts standards»?
Alexandre Shields, 20 janvier 2014: Manifeste contre un État pétrolier québécois: Des scientifiques, des écologistes et des politiciens demandent une étude d’impact.
Alexandre Shields, 27 janvier 2014: Le lobby du pétrole s’active au Québec: Le Registre compte plus de 50 inscriptions, davantage qu’au plus fort du débat sur le gaz de schiste
Alexandre Shields, 29 janvier 2014: Hydrocarbures: aucune soumission pour Old Harry et le banc des Américains
Sur le site de Radio-Canada:
8 janvier 2014: Discussion entre Bernard Landry, co-signataire du Manifeste, et Danielle Giroux, de la Coalition Saint-Laurent, (à partir de 12 min)
Les années lumière, 26 janvier 2014: Pétrole québécois : des réserves, des experts, dont Robert Michaud, directeur scientifique du GREMM, donnent leur avis
Sur le site de La Presse:
Le Soleil, Jean-Marc Salvet, 10 janvier 2014: Exploitation pétrolière: l’Assemblée nationale presque unanime
Le Soleil, Michel Corbeil, 16 janvier 2014: «Banc des Américains» à Gaspé : des études sur la faune avant de statuer sur la protection
L’éditorial d’Élizabeth Fleury, 17 janvier 2014: Manifeste pour un débat honnête
L’éditorial d’Alain Dubuc, 22 janvier 2014: Pétrole : la planète Québec
Sur le site Pour sortir du pétrole, 20 janvier 2014: Le Manifeste pour sortir de la dépendance au pétrole
Sur le site d’Harvey Mead, 23 janvier 2014: Les trois non-sens économiques d’Alain Dubuc
Déclaration syndicale, 23 janvier 2014: Exploration et exploitation des hydrocarbures en sol québécois