Depuis la création du parc marin du Saguenay–Saint-Laurent en 1998, de nombreuses mesures de protection ont été mises en place dans le but de protéger les mammifères marins. En revanche, la protection du milieu marin et la satisfaction de la clientèle des croisières aux baleines qui fréquente ce secteur peuvent-elles être conciliables? C’est la question que s’est posée, à l’été 2021, une équipe de chercheuses de l’Université du Québec à Rimouski.

Jusqu’à présent, il semblerait que l’expérience vécue par les visiteurs lors de croisières aux baleines serait plus satisfaisante qu’avant la création du parc marin!

Peut-on concilier protection et satisfaction?

Connaissez-vous le paradoxe de l’observateur de baleines? C’est « cette contradiction intérieure qui oppose le désir de protéger, d’être le moins intrusif et de ne pas déranger l’animal et le désir d’être le plus proche possible parce qu’on est curieux et en admiration totale devant ces majestueux mammifères », explique Ariane Tessier-Moreau, étudiante à la maitrise en gestion des ressources maritimes à l’Université du Québec à Rimouski, lors d’une conférence de la 89eédition de l’ACFAS.

En réponse à ce paradoxe, madame Tessier-Moreau et une équipe de chercheuses de l’UQAR ont mis en place un projet de recherche ayant les visiteurs comme objet d’étude.

Les résultats préliminaires de cette expérience montreraient pour l’instant que oui, protection et satisfaction peuvent aller de pair.

Effectivement, une augmentation légère de la satisfaction des visiteurs aurait été notée depuis 20 ans, et ce, même si les règlementations liées au tourisme maritime ont changé depuis la création du parc marin du Saguenay–Saint-Laurent, en 1998. Ce sont la durée de l’excursion, le déplacement des autres bateaux, la distance d’observation des baleines, la pertinence et l’intérêt des sujets traités, l’observation d’autres animaux et l’achalandage du site qui ont été les principaux facteurs étudiés par l’équipe de chercheuses de l’UQAR. Pour la plupart de ces facteurs, le niveau moyen de satisfaction aurait augmenté entre 1999 et 2021.

Pour arriver à ces résultats, cette équipe est embarquée, durant l’été 2021, à bord de 83 croisières aux baleines prenant place dans le parc marin du Saguenay–Saint-Laurent. Une fois à bord, des questions ont été posées aux visiteurs par l’entremise d’un questionnaire portant sur leur niveau de satisfaction lors de leur expérience de croisière aux baleines.

Les attentes des visiteurs ont également été prises en compte par l’entremise d’autres questions. Par celles-ci, il a été possible de constater que 96% des visiteurs interrogés croyaient fermement que les croisières ne devraient pas nuire aux espèces présentes, mais que 89% d’entre eux avaient le désir de voir des baleines, qu’ils soient près ou loin de l’animal. La majorité des répondants avait également à cœur la protection des baleines.

Puis, les résultats ont été comparés avec des données d’une étude similaire réalisée en 1999 par Catherine Giroul, de l’Université du Québec à Trois-Rivières.

Avec ces différents éléments pris en compte, il est possible de comprendre que les règlementations du parc marin n’influenceraient pas négativement l’expérience des visiteurs. Au contraire, elle semblerait même positive!

Gros plan sur les bélugas

Un autre projet de recherche a aussi les visiteurs comme objet d’étude. En effet, des chercheurs de l’Université de Sherbrooke et de l’Université du Québec en Outaouais souhaitent estimer, par le Projet béluga, quel est l’impact économique de la présence de bélugas dans le parc marin du Saguenay–Saint-Laurent ainsi que la valeur que les visiteurs accordent à cette espèce.

La protection des baleines est un enjeu qui touche de plus en plus d’aspects, dont le transport maritime. Ainsi, de concert avec une équipe d’ingénieurs, les chercheurs veulent aussi estimer quels seraient les coûts d’une réduction de la vitesse et du bruit de certains navires et à quel point ces coûts seraient raisonnables pour la société. Avec ces coûts supplémentaires occasionnés par des modifications sur les navires, il est normal que le coût des croisières augmente lui aussi. Le but du Projet béluga est donc, globalement, de savoir combien les gens sont prêts à dépenser pour voir des baleines dans un contexte qui serait plus sécuritaire pour ces dernières.

C’est dans cette optique que ce groupe de recherche interrogera des visiteurs et des citoyens présents à Tadoussac et Baie-Sainte-Marguerite durant l’été 2022. Les répondants seront autant des gens qui observent les baleines lors de croisières que des gens les observant de la terre ferme. Les réponses à ce questionnaire serviront à évaluer l’ouverture des gens et connaitre leur opinion vis-à-vis ces potentiels changements économiques et de protection dans le parc marin. Cette équipe croit pour l’instant que les gens seraient plutôt ouverts à dépenser un montant important pour protéger les baleines si l’impact peut être observé à court ou moyen terme.

Éventuellement, les résultats de cette étude pourront être utilisés pour mieux cibler les avantages d’une réduction de la navigation sur les mammifères marins et les coûts que cela impliquerait.

Est-ce que les mesures de protection ont réellement un impact?

À ce jour, il est encore difficile de démontrer l’impact des mesures de protection sur les baleines. Chose certaine, ces règlementations ne sont pas là pour leur nuire! Discuter avec les visiteurs permet de mieux comprendre l’impact qu’a eu l’instauration du parc marin sur leur expérience et justifie en quelque sorte la mise en place de ces restrictions. Jusqu’à présent, cet impact semble positif, ce qui est plutôt encourageant pour l’avenir du parc marin et des mammifères marins qui y vivent!

Actualité - 22/8/2022

Odélie Brouillette

Odélie Brouillette s’est jointe à l’équipe du GREMM comme rédactrice et naturaliste en 2022 et elle est de retour depuis l'hiver 2023 comme chargée de projet en vulgarisation scientifique. Biologiste de formation, elle aime apprendre et communiquer aux autres ce qui lui tient à cœur. Fascinée depuis toujours par les milieux marins et les baleines, elle souhaite, par la sensibilisation et la vulgarisation, contribuer à leur protection.

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