Suite à notre article sur les différents écotypes d’épaulards, une lectrice nous a demandé si des épaulards de différents écotypes étaient capables de communiquer entre eux, ou si leur «langage» était différent.
Dans un monde marin à visibilité presque nulle, les sons jouent un rôle essentiel dans le quotidien de l’épaulard, lui permettant à la fois de se mouvoir dans l’océan, de chasser ses proies et d’interagir avec ses pairs. Cris, grognements, sifflements, grincements, cliquetis: l’épaulard possède un large répertoire vocal! D’un écotype d’épaulards à l’autre, l’usage de ces sons varie largement. Puisqu’ils évoluent de façon complètement indépendante, qu’ils ne consomment pas les mêmes ressources et qu’ils ne se reproduisent pas entre eux, ces écotypes n’ont pas besoin d’entrer en contact l’un avec l’autre. Ainsi, chaque variété aurait développé un répertoire distinct.
Les trois solitudes
Certains écotypes d’épaulards évoluent dans des milieux isolés, ce qui explique facilement leur divergence. Mais d’autres écotypes sont appelés à se croiser, tout en conservant un mode de communication complètement distinct. C’est le cas des épaulards résidents, des épaulards de Bigg et des épaulards hauturiers. Ces trois variétés résident toutes en Colombie-Britannique, dans le Pacifique Nord-Est.
Lorsqu’on les écoute chasser, les hauturiers se démarquent par leur silence, alors qu’on entend tout un vacarme de « cliquetis » chez les résidents. Cette différence s’explique facilement : le premier écotype chasse les mammifères marins, qui peuvent entendre les fréquences émises par les épaulards, alors que la deuxième variété se nourrit exclusivement de poissons, proie qui ne détecte pas ces fréquences. Chaque écotype a donc développé son propre langage, adapté à son mode d’alimentation.
Les yeux du cœur
Au sein même des écotypes, on retrouve des «clans acoustiques» qui possèdent leur propre dialecte, strictement utilisé à des fins de communication. Par exemple, la population résidente du Pacifique possède des unités matriarcales de deux à trois individus, partageant les mêmes sifflements et appels. Grâce à eux, les épaulards sont en mesure de reconnaitre leurs proches et de communiquer parfois sur de longues distances. Ces types de vocalisations assurent une cohésion sociale dans le groupe, et, contrairement aux cliquetis servant à chasser, ils ne sont pas partagés par l’ensemble de la communauté.
Selon les chercheurs, l’existence de tels «clans acoustiques» serait le résultat d’une transmission culturelle. Leur dialecte n’est en effet pas «inné», mais appris et transmis de génération en génération ou entres les membres d’un même clan.
L’exception confirme la règle
Il existerait pourtant une exception qui transcende les frontières culturelles des épaulards. Des recherches suggèrent en effet l’existence d’un appel dit «universel», qui serait émis par toutes les populations d’épaulards du Pacifique. On croit qu’il servirait à signifier une forme d’excitation sexuelle, mais les chercheurs sont encore incertains quant à son rôle dans les interactions sociales.
Les scientifiques comparent ce son aux manifestations d’émotion chez l’humain: il serait instinctivement compris par tous, et ce, malgré les barrières langagières. Contrairement aux vocalisations dites «culturelles», transmises entre générations ou individus, on considère que cet appel serait inné. Il semble donc que l’opposition entre culture et nature ne concerne pas seulement l’être humain!