Oui, le krill est présent dans le Saint-Laurent en hiver. Selon une étude récente menée par Yvan Simard et Nathalie Roy de Pêches et Océans Canada, le krill était en fait plus abondant dans leur station de surveillance du parc marin du Saguenay— Saint-Laurent de décembre à février que durant les autres mois.

Yvan Simard est chercheur scientifique à l’Institut Maurice-Lamontagne de Pêches et Océans Canada. Il utilise l’acoustique sous-marine pour examiner le fonctionnement des écosystèmes. Il est également titulaire d’une Chaire de recherche en acoustique marine appliquée aux ressources et à l’écosystème à l’Université du Québec à Rimouski.

Bien que l’on trouve trois principales espèces de krill dans le Saint-Laurent, à savoir Thysanoessa raschii, Thysanoessa inermis et Meganyctiphanes norvegica, Yvan Simard nous dit que T. raschii et M. norvegica sont les plus répandus. Tandis que T. raschii préfère les eaux plus froides ayant une température autour de 1 à 2 degrés Celsius, M. norvegica affectionne les eaux légèrement plus chaudes autour de 2 à 5 degrés Celsius.

Yvan Simard ajoute : «Nous n’avons ici que les stades adultes en raison du mode de circulation de l’estuaire du Saint-Laurent.» La colonne d’eau supérieure, constituée des 10 à 15 premiers mètres d’eau saumâtre, s’écoule vers le golfe et l’océan Atlantique. C’est dans cette partie de la colonne d’eau que vivent les jeunes krill, y compris les œufs et les larves en développement. En conséquence, ils sont rapidement évacués de l’estuaire.

Après 5 à 6 mois, lorsque le krill est mature, il commence à descendre dans la colonne d’eau en raison de la phototaxie — un phénomène selon lequel un organisme se rapproche ou s’éloigne de la lumière. En raison du mouvement des courants et de la bathymétrie du chenal Laurentien, un courant ascendant, lent et localisé, les ramène à la tête du chenal. Il en résulte un système de contrôle complexe là où le golfe et l’estuaire du Saint-Laurent se rejoignent, ainsi que l’accumulation de krill de grande taille à la tête du chenal.

«C’est la raison pour laquelle Tadoussac est et a toujours été une région riche en krill et constitue une aire d’alimentation pour plusieurs espèces», explique Yvan Simard.

Qu’en est-il de la plus grande abondance du krill en hiver? Yvan Simard suppose que cette situation est liée au régime de circulation dans le golfe du Saint-Laurent et à la biologie du krill. Il ajoute : «Peut-être qu’en raison de son cycle de vie, le krill est plus gros en hiver, et donc plus dense, avec une masse plus importante.»

Pas de baleines, plus de krill?

Nous savons que les grandes baleines à fanons, comme les rorquals à bosse et les rorquals communs, fréquentent les eaux du Saint-Laurent en été et migrent vers le sud en hiver. Ces baleines se nourrissent de krill dans le Saint-Laurent. Leur absence entraine-t-elle une plus grande abondance de krill?

Yvan Simard ne pense pas que ce soit le cas. Le krill constitue la base de nombreuses chaines alimentaires; c’est une source de nourriture pour plusieurs espèces. Des organismes comme des espèces de poissons pélagiques, des poissons de fond et des invertébrés sont présents dans le Saint-Laurent en hiver et consomment également du krill. Les besoins nutritionnels des baleines ne sont pas suffisamment importants par rapport à la masse globale de krill pour affecter sa population dans le Saint-Laurent pendant la saison d’alimentation des baleines.

Les baleines en questions - 29/10/2018

Jasspreet Sahib

Après avoir passé l’été avec des baleines sur la côte ouest du Canada, Jasspreet Sahib est heureuse de se joindre à l’équipe du GREMM cet automne comme stagiaire en rédaction par l’entremise du programme du Corps de conservation canadien. Elle a fait des études en biologie marine et en journalisme à l’Université Dalhousie et adore partager sa passion pour les mammifères marins et la communication scientifique avec les lecteurs de Baleines en direct.

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