Par Mathieu Marzelière avec la collaboration de Laurence Tremblay
[Suite de l’article Destination les Açores avec L’Expédition Glacialis (1/2 : la faune marine)]
Lors de notre séjour aux Açores, au printemps 2021, nous avons participé aux préparatifs et aux tests avant un premier départ pour une expédition scientifique en Arctique, L’Expédition Glacialis.
Expédition Glacialis est le fruit d’une véritable coopération entre de multiples chercheurs et organismes étudiant le monde marin. Le projet a pour mission de concilier plusieurs protocoles de prise de données sur le parcours, dans les eaux froides de l’Arctique. Ceci afin d’optimiser le périple et mutualiser les coûts, en récupérant un maximum d’informations de qualité en un seul voyage. L’Expédition Glacialis a également pour but d’encourager la collaboration entre les partenaires scientifiques et de favoriser la science ouverte en vue d’améliorer la connaissance générale des écosystèmes maritimes.
À l’aube d’une grande aventure !
L’aventure se déroule à bord d’un ketch, un voilier à deux mâts dont le grand mât est à l’avant. Atlas, notre navire, a une longueur de 12 m, sa coque est faite d’acier, sa quille est plombée, et il possède un poste de navigation couvert ; bref, il est pensé et conçu pour naviguer dans les mers polaires et par temps difficile.
Pendant 6 semaines, nous avons ainsi navigué avec Atlas entre les iles des Açores, montant et testant nos différents protocoles scientifiques avant de lancer le navire en direction de l’Arctique. Voici un survol des données collectées :
Monitorage visuel et photo-identification
Lors de nos voyages, toutes les rencontres ont été enregistrées dans un logiciel de compilation de données, Mysticetus. Ce logiciel permet notamment de cartographier les observations et de lier différents types de données (acoustique, photo, etc.) entre elles. Nous avons également utilisé la photo-identification. Cette méthode est un procédé non invasif permettant de reconnaître un individu grâce à des photos de l’animal. On étudie sur chaque photo les caractéristiques physiques particulières de l’individu (nageoire dorsale, patron de coloration de la caudale ou du corps, cicatrices, etc.) afin de l’identifier. On peut alors l’apparier avec un animal déjà connu ou être en mesure de le reconnaître lors d’une future rencontre. Ces données peuvent ensuite servir à connaître la répartition, les mouvements migratoires ou la structure sociale des populations. Les images collectées dans les Açores ont donc été envoyées aux organismes de recherche étudiant les cétacés concernés dans l’archipel et au-delà.
Collecte de microplastiques
L’un des partenaires de l’Expédition Glacialis est l’organisme à but non lucratif Oceaneye. Cet organisme étudie les microplastiques de surface que diverses embarcations récoltent tout autour du globe en suivant un protocole de collecte bien établi. Nous nous sommes donc équipés d’un filet manta qui, à la manière de la raie du même nom, écrème l’eau de surface en y gardant les petites particules en suspension. Les échantillons recueillis sont par la suite envoyés dans le laboratoire de l’organisation, en Suisse, à des fins d’analyse. Les données collectées et les résultats qui en découlent sont très importants afin de mieux cerner l’impact de cette pollution quasi invisible sur les populations d’oiseaux et de mammifères marins.
À l’écoute de l’océan
Un autre de nos partenaires est le chercheur Michel André, du Laboratory of applied bioacoustics (LAB). Ce dernier étudie depuis de nombreuses années les données acoustiques de diverses populations de mammifères marins autour du globe. Son laboratoire développe actuellement une application rendant possible la collecte de données acoustiques par le grand public. Baptisé EARtotheWild, ce logiciel permettra, à terme, de faire analyser en temps réel par une intelligence artificielle, les sons marins enregistrés via un hydrophone branché sur un cellulaire ou une tablette. Le but est d’identifier les espèces à proximité. Notre tâche consistait à tester, entrainer et améliorer le système en le confrontant à la réalité du terrain.
Les secrets de l’ADN environnemental
Qu’est-ce que l’ADN environnemental ? Il s’agit de l’ADN laissé par les animaux dans leur habitat. Un échantillon de l’eau d’un lac, par exemple, contient de petits morceaux d’ADN de ses habitants. Il est donc théoriquement possible, à travers l’analyse d’un échantillon d’eau, de déterminer les espèces présentes, et ainsi d’évaluer la biodiversité du milieu. L’Expédition Glacialis a établi un partenariat avec l’organisation NatureMetrics afin de tester cette méthode. Notre partenaire nous a fourni une dizaine de kits d’échantillonnage et effectuera l’analyse de nos échantillons au retour.
Collecter des morceaux de céphalopodes
L’Expédition Glacialis s’est également associée avec un organisme de recherche açorien qui étudie les céphalopodes des profondeurs, Moniceph. Les eaux entourant l’archipel des Açores comportent en effet des fosses océaniques profondes, et il est difficile d’étudier les organismes qui les peuplent. Afin d’identifier les espèces habitant les abysses, les chercheurs de Moniceph analysent les morceaux de poulpe ramenés à la surface par leurs prédateurs, tels que les cachalots, les dauphins de Risso, les globicéphales ou encore les baleines à bec. Lors de nos transects, nous étions donc à l’affût de toute trace des restes du Kraken! Les échantillons récoltés ont ensuite été immergés dans de l’éthanol, avant d’être transmis à Moniceph pour analyses.
Recherche et navigation : concilier deux défis
Il va sans dire que nous avons dû relever de nombreux défis dans le cadre de notre séjour aux Açores. Lorsqu’on considère que l’équipage d’Atlas se limite généralement à 4 ou 5 membres, et qu’en plus de la collecte de données, il faut s’occuper de la navigation, sans oublier de manger et de dormir, on comprend vite que sans une organisation adéquate, le projet ne peut fonctionner ! Chacun doit donc avoir des tâches précises à accomplir lors de l’application des protocoles, mais aussi faire la cuisine pour l’équipage à tour de rôle, effectuer ses quarts de navigation et se garder un temps de repos. Évidemment, se sont ajoutés des soucis techniques avec certains équipements scientifiques. Heureusement, nous avons pu compter sur nos partenaires, qui nous ont fourni un soutien technique afin que la collecte de données puisse se dérouler sans heurt. Comme on dit, « lorsque tout va bien, on n’apprend rien ! ».
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