La myoglobine transporte et entrepose l’oxygène dans les muscles des vertébrés. Chez les mammifères marins, elle est particulièrement abondante et serait la clé du succès de leurs plongées. Une équipe de chercheurs de l’Université de Californie s’est intéressée à la production de cette molécule chez les jeunes mysticètes. Parmi les résultats obtenus, l’effort physique, comme les «breachs», influencerait la production de myoglobine et favoriserait ainsi leur capacité à plonger.

Il ne suffit pas d’avoir que du souffle…

Un homme retient son souffle environ 1 à 2 min; les plongées des baleines peuvent s’étirer de quelques minutes à plus de 120 min chez les cachalots et baleines à bec. Pour réussir ces apnées, les baleines ont plus d’un tour dans leur sac, dont celui de cacher leurs réserves d’oxygène ailleurs que dans leurs poumons, soit dans le sang et les muscles. Le sang des baleines s’oxygène efficacement, il est très riche en globules rouges, les cellules qui transportent l’oxygène. Les baleines accumulent aussi l’oxygène dans leurs muscles grâce à la myoglobine présente en grande quantité, c’est d’ailleurs ce qui explique que leur chair soit si foncée, presque noire dans le cas du cachalot. En 2013, une équipe internationale a découvert que la myoglobine possède sur sa surface une charge électrique positive qui empêche son agglutination. C’est cette propriété qui permettrait aux mammifères marins d’avoir à leur disposition une sorte de réservoir à oxygène pour leurs plongées.

Production de myoglobine chez les mysticètes

La production de myoglobine a surtout été étudiée chez les pinnipèdes et les petites baleines à dents (marsouins et dauphins). Une équipe de l’Université de Californie, menée par la chercheuse Rachel Cartwright, s’est intéressée au développement de cette molécule chez les jeunes baleines à fanons. Les résultats ont été publiés dans la revue PLOS ONE le 20 janvier dernier.

L’étude a été réalisée à partir d’échantillons de muscles de 18 carcasses de baleines à fanons retrouvées échouées (petits rorquals, rorquals à bosse et baleines grises), jeunes et adultes. Les chercheurs ont trouvé que chez les nouveau-nés des trois espèces, le taux de myoglobine présent dans les muscles était faible comparativement à celui mesuré chez les adultes. La production de myoglobine augmenterait donc avec la croissance. Les nouveau-nés petits rorquals présentaient un taux de myoglobine plus élevé que les deux autres espèces. Les chercheurs soupçonnent que ce soit dû à la rapidité avec laquelle ils doivent nager dès les premiers moments de leur vie, un effort physique exigeant, pour suivre leur mère. Aussi, la production de myoglobine augmenterait bien plus rapidement chez les jeunes rorquals à bosse que chez les jeunes baleines grises. Les chercheurs croient que ce soit dû aux comportements «exubérants» des jeunes rorquals bosse qu’on observe souvent sauter hors de l’eau dès les premiers mois de leur vie. Les baleines grises, elles, seraient plus tranquilles en bas âge. Plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer ces sauts: le jeu pour les plus jeunes, la séduction et la défiance pour les mâles pendant la période de reproduction, les regroupements avant la migration et bien sûr, la communication. Chose certaine, ces comportements de haute voltige sont coûteux énergétiquement, surtout lorsqu’ils sont réalisés en série, mais ils semblent avoir un impact positif sur la production de myoglobine. En effet, au cours de l’activité musculaire, du calcium est libéré dans la cellule musculaire entraînant une série de réactions biochimiques menant à la production de myoglobine. Ainsi, ces «breachs» aideraient au développement de la myoglobine et amélioreraient donc les capacités de plonger des jeunes rorquals à bosse.

Chez les mammifères marins, qui passent la majorité de leur temps sous l´eau, les plongées répétées font partie de leur routine quotidienne. Développer de bonnes capacités de plongées permet aux baleines une meilleure efficacité de nage, d’étendre leur territoire de chasse, et pour certaines espèces, de s’enfoncer dans les profondeurs, là où leurs poursuivants ne peuvent les suivre.

Source :

Cartwright R, Newton C, West KM, Rice J, Niemeyer M, Burek K, et al. (2016) Tracking the Development of Muscular Myoglobin Stores in Mysticete Calves. PLoS ONE 11(1): e0145893. DOI: 10.1371/journal.pone.0145893

Pour en savoir plus :

Sur le site de Phys.Org: Exercise helps young baleen whales develop ability to store oxygen for extended dives

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La plongée

Comportements mystérieux des baleines 

Actualité - 19/1/2016

Marie-Sophie Giroux

Marie-Sophie Giroux s’est jointe au GREMM en 2005 et y a travaillé jusqu’en 2018. Elle détient un baccalauréat en biologie marine et un diplôme en Éco-conseil. Chef naturaliste, elle supervise et coordonne l’équipe qui travaille au Centre d’interprétation des mammifères marins et rédige pour Baleines en direct et Portrait de baleines. Aux visiteurs du CIMM ou aux lecteurs, elle adore « raconter des histoires de baleines ».

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