Depuis le 1er janvier 2017, les États-Unis ont adopté un nouveau règlement concernant l’importation de produits de la mer: les pêcheries étrangères désirant exporter aux États-Unis devront protéger les mammifères marins selon des normes comparables à celles régissant les pêcheries américaines. Selon un article publié récemment dans le journal Science, si ce règlement est accompagné d’investissements substantiels permettant de renforcer les capacités scientifiques et de conformité des pays en développement, il pourrait avoir des effets positifs considérables sur la protection des mammifères marins à travers le monde.

La Loi américaine sur la protection des mammifères marins

Les États-Unis sont un chef de file mondial dans le domaine de la pêche durable, avec des lois et des politiques qui sont parmi les plus strictes au monde, visant à prévenir la surpêche d’espèces cibles et les dommages accidentels causés à d’autres espèces. L’un des principaux défis pour une pêche durable est que des mammifères marins sont souvent tués accidentellement dans les opérations de pêche. Les prises accidentelles dans les engins de pêche affectent au moins les deux tiers des espèces de mammifères marins du monde. En vertu de la Loi sur la protection des mammifères marins (Marine Mammal Protection Act), promulguée en 1972, les autorités fédérales surveillent les prises accidentelles de mammifères marins dans les pêcheries américaines. Ils élaborent également des plans pour s’assurer que les prises accidentelles demeurent dans des limites bien définies qui ne menacent pas les populations de mammifères marins.

Importation des produits de la mer aux États-Unis

Les États-Unis sont le plus grand importateur mondial de produits de la mer, important des produits de plus de 120 pays. Le Canada, la Chine et l’Indonésie sont les plus grands exportateurs de produits de la mer aux États-Unis en termes de valeur des exportations. Mais les pays qui dépendent le plus de l’exportation des produits de la mer vers les États-Unis, en termes de pourcentage de leur PIB — et qui pourraient donc être les plus touchés par le nouveau règlement — sont majoritairement des petits états insulaires en développement et certains petits pays d’Amérique latine.

Objectifs et effets du nouveau règlement

Le nouveau règlement vise à tirer parti du pouvoir de marché des États-Unis afin de réduire les captures accidentelles de mammifères marins à travers le monde. Il vise également à rendre la concurrence plus équitable pour les pêcheurs américains, qui font actuellement face, contrairement à plusieurs de leurs concurrents étrangers, à des coûts de suivi et à des restrictions de pêche afin de limiter les prises accidentelles.

Mais ce règlement aura-t-il les effets escomptés? Selon les auteurs de l’article publié dans Science, cela dépendra de plusieurs facteurs.

Cela dépendra entre autres de comment la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) définira des normes « comparables en efficacité » aux exigences américaines en matière de suivi et de limitation des prises accidentelles. Une barre d’équivalence trop basse rendra le nouveau règlement inefficace et ne parviendra pas à réduire le nombre de mammifères marins tués dans les pêcheries qui exportent leurs produits aux États-Unis. Et si la NOAA établit une barre d’équivalence trop élevée, certains pays choisiront de vendre leurs produits dans d’autres marchés, comme la Chine, au lieu d’investir dans de nouvelles infrastructures scientifiques et règlementaires pour répondre aux normes américaines.

Le succès de ce règlement dépendra aussi des ressources financières et techniques dont disposeront les pays pour s’y conformer d’ici cinq ans. Les agences d’aide et de développement ainsi que les organismes philanthropiques pourront aider les pays en développement en leur fournissant des fonds et des conseils techniques. Sans cette aide internationale, ce règlement risque d’avoir peu d’effet sur la protection des mammifères marins, en plus d’infliger des difficultés économiques à des communautés déjà pauvres. Puisque le territoire de la plupart des populations de mammifères marins couvre multiples pays, ces derniers pourraient économiser des ressources en coordonnant leurs efforts de suivi à l’échelle régionale.

Conséquences pour le Canada

Quelles seront les conséquences de ce nouveau règlement pour le Canada, un des plus grands exportateurs de produits de la mer vers les États-Unis? Les États-Unis sont la principale destination des exportations canadiennes, représentant environ 64 % des échanges de produits de la pêche. Robert Michaud, coordonnateur du Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins (RQUMM), espère que « ce nouveau règlement accélèrera les efforts déjà mis en place pour documenter l’occurrence de prises accidentelles au Canada, réduire leur occurrence et accroitre nos capacités d’intervention ». Au cours des 10 dernières années, le RQUMM a répertorié 78 cas de prises accidentelles de mammifères marins dans le Saint-Laurent, incluant des mammifères marins empêtrés vivants ainsi que des mammifères marins morts ou vivants présentant des traces d’empêtrements. Ce chiffre ne représente pas le nombre total de prises accidentelles, mais seulement le nombre d’individus ayant été observés et signalés au RQUMM.

Sources:

U.S. seafood import restriction presents opportunity and risk (Science, 2016/12/16)

New US seafood rule shows global trade and conservation can work together (The Conversation, 2017/01/17)

Survol de l’industrie du poisson et des fruits de mer (Agriculture et Agroalimentaire Canada)

Pour en savoir plus:

Sur Baleines en direct:

Prises accidentelles dans les engins de pêches

Actualité - 13/2/2017

Béatrice Riché

Après plusieurs années à l’étranger, à travailler sur la conservation des ressources naturelles, les espèces en péril et les changements climatiques, Béatrice Riché est de retour sur les rives du Saint-Laurent, qu’elle arpente tous les jours. Rédactrice pour le GREMM de 2016 à 2018, elle écrit des histoires de baleines, inspirée par tout ce qui se passe ici et ailleurs.

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