Les épaulards résidants, près de l’île de Vancouver et de Washington, respirent la pollution générée par les moteurs de nombreux bateaux évoluant dans leur aire de répartition estivale. Une étude signale que cette exposition toxique atteint un seuil critique pour la santé des épaulards, bien plus sensibles que les humains. Elle préconise une réglementation pour l’industrie d’observation et les plaisanciers. L’étude a été publiée dans le Marine Pollution Bulletin en février 2011 (Estimation of southern resident killer whale exposure to exhaust emissions from whale-watching vessels and potential adverse health effects and toxicity thresholds).

Selon Cara Lachmuth, l’auteure principale, les résultats de la recherche sont inquiétants. En entrevue avec le journal Vancouver Sun, elle explique que le nombre de bateaux d’observation n’est pas limité. Elle considère que la recommandation fixant au Canada une distance de 100 m entre l’épaulard et les bateaux est suffisante. Aux États-Unis, les environnementalistes réclament que la distance réglementée à 91,44 m soit doublée. Mais selon la chercheuse, les bateaux qui ne respectent pas cette distance augmentent le risque de contamination, ce qui est souvent le cas des plaisanciers qui ne connaissent pas ou peu cette limite.

Éloigner et réduire les bateaux

La concentration des bateaux augmente fortement depuis les années 1970. De mai à septembre, la population est suivie par une moyenne de vingt bateaux pendant une douzaine d’heures par jour. Selon une étude de 2006, les bateaux sont présents à 99 % du temps dans le champ visuel des baleines, pendant les heures du jour. Pour réduire l’exposition toxique, l’étude recommande que les bateaux se positionnent sous le vent des épaulards, qu’en tout temps vingt bateaux au maximum doivent se trouver dans un rayon de 800 m autour de l’animal, que les périodes d’observation soient limitées et que les recommandations et réglementations de l’industrie d’observation renforcées.

En moyenne, les épaulards respirent cinq fois plus de monoxyde de carbone que s’ils étaient à 100 mètres d’une autoroute très fréquentée de Los Angeles. Cara Lachmuth attribue la concentration du CO2 proche de la surface au fait qu’en été l’océan est froid et l’air bien plus chaud, ce qui empêche le gaz de s’élever dans l’atmosphère.

Ces grands plongeurs plus sensibles que les humains

Quant aux épaulards, ils sont bien plus sensibles à la pollution que les humains. L’exposition devient toxique pour les épaulards dans une proportion de 39 % de celle pour les humains. Si les épaulards ont des capacités pulmonaires bien supérieures, ils ne possèdent pas de sinus pour filtrer l’air inspiré et sont en apnée pendant la plongée, explique Lance Barett-Lenard, le chercheur superviseur de l’étude. Les chercheurs préconisent d’ailleurs de prolonger l’étude sur ce dernier aspect, car il est probable que les changements de pression dans les poumons des épaulards pendant les plongées profondes favorisent l’assimilation des polluants dans les tissus.

La population de ces épaulards (Orcinus orca), appelés les résidants du Sud, est estimée à 89 individus et isolée des autres groupes d’épaulards d’un point de vue génétique. Placée sous le statut d’une espèce en voie de disparition, elle est protégée en vertu de la Loi sur les espèces en péril (LEP) au Canada, et aussi aux États-Unis. Trois facteurs possibles responsables de son déclin ont été identifiés: la diminution du stock de saumon (sa proie favorite), l’exposition à des polluants chimiques tels que les biphényles polychlorés (BPC) et le dérangement dû au trafic maritime.[Vancouver Sun, CNN]

Pour en savoir plus:

Sur le site de Vancouver Sun (en anglais seulement)

Actualité - 10/3/2011

Christine Gilliet

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