Et si on pouvait observer les différents stades d’évolution qu’a traversés une espèce à l’aide d’un seul et unique individu? C’est ce que nous permettent, dans une certaine mesure, les embryons de la plupart des espèces animales, dont ceux des baleines.

Même s’il ne s’agit pas d’une science exacte, certains stades de développement des embryons des baleines portent des traces correspondant à des étapes de l’évolution de l’espèce dans le temps. Autrement dit, à mesure qu’ils se développent, les embryons ressemblent aux formes adultes de leurs ancêtres, des plus éloignés aux plus rapprochés dans le temps.

On peut par exemple remarquer que leurs embryons possèdent, à un certain point, des fentes branchiales. Cela dit, même si les baleines ont un poisson pour ancêtre très éloigné, elles sont aujourd’hui des mammifères, et non des poissons. Elles ne possèdent donc pas de branchies une fois leur développement complété. Les fentes branchiales se résorbent assez tôt pour laisser place à un système respiratoire similaire au nôtre comprenant poumons et narines. D’abord situées au milieu de leur visage, comme l’étaient celles de leurs ancêtres terrestres, les narines des cétacés (appelées «évent») se retrouvent sur le dessus de leur tête une fois leur développement complété, ce qui simplifie de beaucoup la respiration en natation.

Une théorie contestée

Ce phénomène est souvent résumé par l’idée que «l’ontogénie suit la phylogénie», l’ontogénie étant l’étude du développement d’un individu, de sa fécondation jusqu’à sa forme adulte, et la phylogénie, celle du développement des espèces à travers les générations. Mise de l’avant à partir de 1860 par le scientifique Earnst Haekel, la théorie qu’implique cette courte phrase proposait que tous les animaux passeraient par les mêmes étapes de développement embryonnaire, mais que les animaux les moins évolués «s’arrêteraient» à certains stades. Les formes de vie plus complexes poursuivraient, selon lui, leurs métamorphoses jusqu’à atteindre leur forme propre. Il pensait par exemple que l’embryon humain avait d’abord les caractéristiques d’un embryon de poisson, puis celles d’un embryon d’amphibien, et ainsi de suite avant de finalement revêtir les caractéristiques propres à son espèce.

Toutefois, des études menées un siècle plus tard ont découvert que ce chercheur avait exagéré l’importance des ressemblances entre les embryons de différentes espèces afin de donner plus de crédibilité à sa théorie. Il aurait également évité de représenter ceux possédant des différences marquées avec les autres pour la même raison.

Même s’il est vrai que les embryons d’espèces apparentées traversent des stades similaires, il arrive aussi qu’elles présentent des différences importantes dès un stade très précoce de leur développement. Par exemple, les embryons et fœtus de baleines ne développent jamais de sinus (de telles cavités risqueraient de s’affaisser sous la pression en plongée), même si leurs ancêtres terrestres en possédaient. L’ontogénie ne suit donc pas strictement la phylogénie, mais elle reste un outil intéressant pour illustrer la complexité de l’évolution des espèces.

Le saviez-vous?

Les baleines gardent aussi des traces de leurs ancêtres après leur mort! En effet, le squelette des baleines comporte, à l’arrière, des os vestigiaux de membres postérieurs, qui restent cachés dans leur chair durant leur vie. De plus, les os de leurs nageoires pectorales ressemblent étrangement, comme chez le reste des mammifères, à ceux de «doigts», bien que, de leur vivant, ces os soient indiscernables sous leur chair et leur peau.

Actualité - 1/7/2021

Florence Amégan

Florence Amégan est répondante au centre d’appels pour Urgences mammifères marins et rédactrice pour Baleines en direct depuis l’été 2020. Diplômée au programme Sciences, lettres et arts, elle est fascinée depuis qu’elle est haute comme trois pommes par les interactions qu’ont les baleines, tant entre elles qu’avec leur milieu.

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