Selon un article publié le 5 avril 2016 dans la revue National Geographic, certains cétacés, plus particulièrement le rorqual à bosse et la baleine boréale, bénéficieraient, du moins à court terme, des changements climatiques.
Alors que certaines populations de cétacés se rétablissent suite à l’interdiction de la pêche commerciale, elles découvrent un monde bien différent de celui dans lequel elles vivaient avant d’être décimées par la chasse.
Le rétablissement de la population de rorquals à bosse se trouvant le long de la côte ouest de la péninsule Antarctique serait attribuable, selon les auteurs de cet article, non seulement à l’interdiction de la pêche commerciale depuis 1966, mais aussi à une diminution du couvert de glace durant une partie de l’année. Dans cette région de l’Antarctique, le couvert de glace apparait presque deux mois plus tard et disparait un mois plus tôt que dans les années 1970. Les rorquals à bosse peuvent maintenant rester dans la région pendant une plus grande partie de l’année pour suivre les essaims de krill. On pense même que certains auraient commencé à se reproduire dans les eaux de l’Antarctique, plutôt que dans les eaux tropicales.
Dans l’océan Arctique aussi, on observe une diminution du couvert de glace. Au nord des détroits qui connectent cet océan aux océans Atlantique et Pacifique, la saison sans glace est de 1,5 à 3 mois plus longue aujourd’hui qu’il y a 30 ans. Pour certaines espèces comme l’ours polaire, c’est une très mauvaise nouvelle. Pour les rorquals à bosse et d’autres grands cétacés, ce serait peut-être, du moins à court terme, une bonne nouvelle.
La diminution du couvert de glace, engendrée par les changements climatiques, permettrait à certaines populations de cétacés de rester une plus longue période de l’année dans leurs zones d’alimentation et même d’explorer de nouvelles zones d’alimentation auxquelles elles n’avaient pas accès auparavant. Une étude publiée en 2015 dans la revue scientifique Progress in Oceanography démontre une corrélation entre la diminution du couvert de glace en été dans la mer de Beauford au cours des 25 dernières années et l’amélioration de la condition physique de la baleine boréale. Cette étude mentionne l’effet positif de la diminution du couvert de glace dans cette partie de l’océan Arctique sur la croissance du phytoplancton, qui sert de nourriture aux petits crustacés – copépodes et krill – qui constituent à leur tour une importante source de nourriture pour la baleine boréale.
Mais les changements climatiques seront-ils bénéfiques à long terme pour ces populations de cétacés? Évaluer le rôle que jouent les changements climatiques dans le rétablissement ou le déclin d’une population est complexe. Les changements climatiques modifient de nombreux éléments dans l’environnement des cétacés, dont le couvert de glace, l’abondance et la distribution des ressources alimentaires, l’acidité, la salinité et la température des océans, la compétition avec les autres populations, et les activités humaines. Par exemple, au large du Groenland, la baleine boréale, le rorqual à bosse et le rorqual commun utilisent, pour l’instant, le même territoire mais à différents moments de l’année. Avec la diminution du couvert de glace et les modifications des périodes de migration des cétacés, ces derniers devront-ils bientôt compétitionner pour le même territoire et les mêmes ressources alimentaires à certaines périodes de l’année? La diminution du couvert de glace ouvre aussi de nouveaux territoires pour les navires et l’exploitation des hydrocarbures. Quelles seront les conséquences pour les mammifères marins qui vivent ou passent une partie de l’année dans ces régions?
Comme noté dans l’article du National Geographic, à mesure que la glace continue de disparaitre et que le phénomène d’acidification des océans s’amplifie, les ressources alimentaires, qui ont augmentées à court terme pour certaines populations de cétacés dans certaines régions du monde, pourraient connaitre un déclin abrupt. Le krill antarctique, entre autres, est sensible à l’acidification de l’océan et a besoin d’un couvert de glace pour sa croissance. Une diminution importante de la biomasse du krill a été notée dans plusieurs régions de l’Antarctique – selon certaines estimations, ce serait jusqu’à 80% de la biomasse totale qui serait disparue au cours des 30 dernières années, possiblement dû aux changements climatiques et à la surpêche – entrainant déjà de lourdes conséquences pour certaines populations de pingouins qui se nourrissent principalement de krill. Les cétacés seront-ils les prochains touchés?
À la lueur de ces données, même si certaines populations de grands cétacés bénéficient à court terme des changements climatiques, les effets risques d’être différents et moins positifs à long terme. Cela nous démontre l’importance, outre de réduire les émissions de gaz à effet de serre, d’en apprendre davantage sur ces populations, d’identifier et de suivre leurs habitats critiques – qui risquent d’évoluer avec les changements climatiques – et de minimiser, dans ces habitats, les autres facteurs – pollution, bruit, surpêche – qui pourraient rendre ces populations moins aptes à s’adapter aux changements rapides auxquels elles doivent faire face.
Source:
Some whales like global warming just fine
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