«Je suis tombée en amour avec les baleines dans les années 1980, quand une baleine à bosse s’est échouée vivante sur une plage de mon pays», se souvient Cristiane C. de Albuquerque Martins. Si elle vivait alors au cœur du Brésil, loin de la côte, elle a pu suivre dans les médias l’importante mobilisation qui a permis de remettre le rorqual à l’eau, sain et sauf.

Bien décidée à contribuer à la sauvegarde des baleines, elle décide d’étudier l’océanographie, à plus de 3000 km de chez elle. Mais le premier jour d’université, c’est la douche froide: «Le professeur nous demande ce qu’on veut faire plus tard, et on réalise qu’on a tous le même rêve. Il nous dit d’emblée que travailler avec les baleines est très difficile et nous incite plutôt à étudier le zooplancton.»

Malgré ces conseils, la jeune océanographe enchaine plusieurs stages au parc national marin des Abrolhos, où viennent se reproduire les rorquals à bosse, et choisit comme sujet de fin de baccalauréat de cartographier les quelques données connues à l’époque sur cette espèce.

Des baleines et des bateaux

Pour sa maitrise, Cristiane se penche sur la thématique du partage de l’espace marin entre humains et animaux, cartographiant les activités humaines en même temps que les hot spot pour les baleines sur la côte brésilienne. Cette thématique ne la lâchera plus dans son parcours professionnel et l’amène, en 2007, au Canada pour effectuer un doctorat. Le sujet? Le fameux simulateur, 3MTSim (Marine Mammal and Marine Traffic Simulator), sur lequel travaillent également Clément Chion, Robert Michaud et Samuel Turgeon. L’objectif est toujours le même: rassembler et modéliser les données concernant le trafic maritime et les mouvements des baleines dans le Saint-Laurent.

«Je crois sincèrement qu’un vrai partage de l’espace est possible entre activités humaines et mammifères marins. Pour cela, il faut comprendre comment les utilisations se chevauchent: quels sont les lieux importants pour l’espèce et les lieux de passage des bateaux, connaitre les comportements des baleines, mais aussi ceux des résidents et des navigants», s’enthousiasme la chercheuse.

Les jubartes porteuses d’espoir

En 2012, Cristiane C. de Albuquerque Martins se rapproche de son sujet d’étude en s’établissant à Tadoussac. Elle collabore avec le GREMM, le ROMM et avec Parcs Canada avant d’intégrer, en 2017, les équipes de Parcs Canada.

Elle y bonifie les protocoles de récolte de données sur les bélugas du Saint-Laurent, compile et analyse les données sur les grands rorquals, élabore des rapports sur les activités d’observations en mer au sein du parc marin, etc. Elle apporte son amour pour les cartes et la modélisation, son expérience de la récolte de données depuis la terre ferme et sa fascination pour l’éventail de comportements extraordinaires qu’on trouve chez les mammifères marins.

«J’adore être sur le terrain, voir une baleine, et ressentir l’émotion que les baleines produisent chez les gens autour. C’est un animal qui tient une place incroyable dans notre imaginaire. Et j’aime encore plus l’idée que je contribue à leur conservation avec mon petit grain de sel», confie-t-elle.

Depuis Tadoussac, la chercheuse à l’accent chantant garde un petit pied dans son Brésil natal, par sa révision d’articles scientifiques et par son implication dans l’institut Viva et dans la Société latino-américaine des spécialistes mammifères aquatiques. Et les jubartes de sa jeunesse ne sont jamais très loin! «Lorsque j’ai commencé à étudier les baleines à bosse, c’était une espèce menacée. Ce n’est plus le cas aujourd’hui et c’est un bel exemple de réussite. J’ose vraiment croire qu’on va réussir le défi de la cohabitation avec les baleines!»